Déjà à l'époque...

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Silver0l
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Déjà à l'époque...

Message non lu par Silver0l »

http://www.lemonde.fr/livres/article/20 ... _3260.html

Durant le cours de sa 36e année, au bout d'une étape semblable à toutes les autres, Jacques Anquetil décida qu'il avait assez souffert, mit pied à terre et abandonna les courses cyclistes. Ce soir-là, il rentra chez lui en voiture. Sa femme conduisait et lui était assis à la place du survivant. Son corps avait résisté à ces années passées à s'échiner sur des braquets de 52×13, à frôler le bord des précipices et à s'injecter toutes sortes de substances violemment roboratives. Anquetil, quintuple vainqueur du Tour de France, disait qu'à force de se piquer pour tenir la cadence ses cuisses et ses fesses "ressemblaient à des écumoires". Toutes choses qui l'amenaient parfois à avouer à la presse: "Il faut être un imbécile ou un faux jeton pour s'imaginer qu'on peut courir 265 jours par an sans stimulants." Et à répéter aux siens: "Je crois bien que je n'aime pas, que je n'ai jamais aimé, que je n'aimerai jamais le vélo." Aussi, en cette nuit de retraite, lorsqu'il arriva dans sa propriété, son premier geste fut de prendre son cadre, de le dépouiller de ses accessoires, de l'accrocher dans sa grange en jurant de ne plus jamais remonter dessus. Par la suite, et jusqu'à sa mort, en 1987, à 53 ans, il ne brisa ce serment qu'une seule fois, le jour du 8e anniversaire de sa fille qui, depuis toujours, rêvait de voir, au moins en une occasion, son père juché sur son cheval de bataille. En ce jour de fête, Anquetil revint dans la grange, gonfla les boyaux de soie de son engin, enfila un maillot jaune, des cuissards, monta sur sa selle, traversa la pelouse en danseuse sous les yeux émerveillés de l'enfant avant de se jeter, en un dernier sprint, dans les eaux de la piscine.
Anquetil tout seul, livre magnifique, est également un titre mensonger. Car, durant les 150 pages du récit de Paul Fournel, l'auteur raconte en fait la longue course intime qu'il mena tout au long de sa vie au côté du champion. "J'avais 10 ans, j'étais petit brun et rond, il était grand blond et mince, je voulais être lui. Je voulais son vélo, son allure, sa nonchalance, son élégance." Course après course, année après année, à l'écart d'un peloton que l'on devine à peine, on découvre ainsi l'étrange proximité de ces deux hommes, équipiers disparates pédalant côte à côte dans les archives de la mémoire.
Au début, bien sûr on ne remarque que le savoir-faire du grand blond, ses jarrets luisants, cette manière si particulière d'embobiner les pédales et la vie en se recoiffant avec un peigne, à l'ancienne, sitôt franchie la ligne d'arrivée. Et puis, au fil des étapes, la perspective s'inverse et l'on est subjugué par l'élégance du petit brun, ce subtil greffier qui raconte les épissures de ce monde étrange parfois bien éloigné du cyclisme, les courses invraisemblables, les femmes indispensables, le doping au champagne, la valse des seringues, les amis qui meurent en montée, ceux qui périssent dans les descentes et toujours, au cul, ce peloton malsain qu'Anquetil déteste, cet agrégat grouillant de mauvaises intentions. Fournel est l'œil absolu, il voit toutes les petitesses mais aussi l'humanité de cet univers que semble survoler Anquetil: "Son coup de pédale était un mensonge. Il disait la facilité et la grâce, il disait l'envol et la danse dans un sport de bûcherons, d'écraseurs de pédales, de bourreaux de travail, de masculin pluriel. Il pédalait blond, la cheville souple, il pédalait sur pointes." Au détour d'un virage, Fournel, président de l'Oulipo, passionné de jeux littéraires autant que de cyclisme, aime aussi changer de vélo, enfourcher celui du patron et se glisser dans sa tête pour décrire, par exemple, le tourment psychanalytique d'un banal contre-la-montre: "Derrière moi sur le pare-chocs de l'Hotchkiss bordeaux ou de la 203 blanche, mon nom est écrit en gros pour que le public me reconnaisse: ANQUETIL. Mon nom me poursuit et me pousse. Je suis à mes trousses. Je me fuis." A ce point de l'histoire, chacun sait que désormais c'est Fournel qui a course gagnée et qu'il ne saurait être question de lâcher sa roue avant la fin.
Mais avant il y a 1965, et ce pari insensé. Sitôt gagné le Dauphiné libéré, Anquetil file en avion le soir même en Gironde pour prendre, vers minuit, le départ de Bordeaux-Paris, foncer dans le noir et, bien sûr, l'emporter le lendemain dans la capitale. Chevauchée unique. La magie des fesses en écumoires. "Le dopage est un mode de vie dont Anquetil ne se défera pas, jamais il ne renoncera à être le maître du jour et de la nuit, le maître de l'intensité, le maître du début et de la fin des fêtes. Sophie, sa fille, raconte même qu'il dopait les poissons rouges. Pour voir. On dit aussi qu'il encourageait tout son personnel à moissonner aux amphétamines pour travailler jour et nuit et passer vite à table, tous ensemble, pour dévorer le reste des forces." Et puis viendront le cancer et la mort d'Anquetil. Fournel, lui, continuera sa course, secrète, tout seul cette fois, vraiment, jusqu'à un terme si singulier et émouvant qu'il ne faut rien en dévoiler, sinon que parfois, à notre insu, la vie et le bonheur glissent en nous en roue libre.

Anquetil tout seul, de Paul Fournel, Seuil, 150 p., 16 €.
Signalons, du même auteur, la parution en poche de Chamboula, Points, 384 p., 7,60 €.

Jean-Paul Dubois, écrivain
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ironturtle
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Re: Déjà à l'époque...

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Ben évidemment. Tu le découvres seulement?? :shock: :shock: :shock: :shock:
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tranber
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Re: Déjà à l'époque...

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Contrôler les 10 premiers à chaque fois c est pas possible ,? Et les tricheurs exclus définitivement ? Ça en calmerait quelques uns au moins. Il y a une forme d hypocrisie, le tour de France n est jamais allé aussi vite , quand on voit aussi à quelle vitesse ,ils enclenchent les étapes de montagne... Pour ma part , je ne considère plus ça comme du sport au MM. Titre que le foot , trop d enjeux trop d argent , rajouter des egos de champions,le reste suit.dommage surtout pour les vrais amateurs
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BART26
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Re: Déjà à l'époque...

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Les amateurs qui n'hésitent pas a se charger pour gagner la petite course départementale ... les parents qui vont voir le médecin parce que le fiston ne gagne pas la course Dimanche ... le pognon est loin d'être le seul vecteur de dopage !

Et encore , je comprends le professionnel qui gagne sa vie avec ... l'amateur ... :shock:
Avec l'âge ... on fait moins le malin en sport ... quand on l'a fait étant jeune !
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BART26
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Re: Déjà à l'époque...

Message non lu par BART26 »

"Le premier vecteur " plutôt ... pour soi , la gagne ... :D
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Silver0l
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Re: Déjà à l'époque...

Message non lu par Silver0l »

ironturtle a écrit :Ben évidemment. Tu le découvres seulement?? :shock: :shock: :shock: :shock:
Où as-tu vu que je le découvrais?
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ironturtle
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Re: Déjà à l'époque...

Message non lu par ironturtle »

Nous mettre ce sujet sur Anquetil en Juillet 2012.
Si tu ne découvres pas je ne vois pas trop l'intérêt que tu nous serves ce genre de soupe réchauffée. :wink:
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Re: Déjà à l'époque...

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la Tortue qui nous fait à 120 ans une crise de jeunisme ... :D

cette semaine , notre Poupou national à 76 ans bon pied bon oeil est passé l' après-midi sur RMC avec Guimard .
la haine en compétition entre les 2 , puis le respect et l' amitié quand Anquetil avait raccroché ... ces histoires d' hommes , je ne veux retenir que cela .
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tranber
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Re: Déjà à l'époque...

Message non lu par tranber »

La gagne , oui on l'a tous mais la bonne valeur c est qd même bien quand tu respeçtes les règles, par exemple quel serait l'intérêt de faire un iron en trichant d un tour? Vis à vis des autres peut être mais le tricheur sait alors que sa perf n'a aucune valeur.
À priori oui les amateurs s y mettent aussi. Perso c est incompréhensible pour moi surtout dans ce sport qui véhicule une certaine philosophie , le dépassement l effort.Etc
Moi j ai commencé le tri parce que je venais de la course à pieds , et du marathon ,
Courir un marathon c est ( pour moi) transmettre le message du marathon originel, , ce n est pas simplement aligner 42 bornes débilement.
Sur un des premiers marathons que j ai couru, lorga avait installé sur les derniers kil, l' histoire de philippides. Le sport est une manifestation culturelle à part entière . Le triathlon MM. Si c est un sport moderne perpétue l idée hellénistique . Peut être que certains perent de vue que le sport est le résultat d une démarche intellectuelle. Bon mais ce n est que mon avis.
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