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La planification annuelle en triathlon
par Rodolphe Debureau

Article paru dans Triathlète magazine Numéro 187 - Novembre 2002
édité pour onlinetri.com

Il est désormais acquis qu'une séance isolée ne fait en aucun cas progresser. Seule la nature, la somme et la répartition judicieuse des séances dans le temps garantiront une évolution du niveau de performance. Encore faut-il que leur enchaînement respecte un certain nombre de principes.

LES PRINCIPES D'ENTRAINEMENT

  1. la continuité
  2. la progressivité
  3. l'alternance cyclique
  4. l'individualisation
  5. la spécificité

La continuité
Le principe de continuité doit se faire tout au long du plan de carrière, ainsi il faut veiller à ne pas perdre tous ses acquis par des périodes de relâche ou d'inactivité trop longues et/ou trop fréquentes. La consistance dans l'entraînement est peut être le facteur principal de réussite dans les sports d'endurance (ce n'est pas pour rien si certains top triathlètes s'entraînent 365 jours sur 365…)

La progressivité
Pour créer de nouvelles adaptations, les stimuli imposés à l'organisme se doivent d'être de plus en grand. Le triathlon est considéré à juste titre comme un sport à ''maturation tardive'', c'est à dire que les plus hauts pics de performance ont lieu vers 25-30 ans (suivant les distances). Cela veut dire concrètement qu'il doit y avoir, de l'école de triathlon à la période senior (voire vétéran) une augmentation continue des sollicitations (ne pas chercher à obtenir à tout prix des résultats chez les cadets). Il faut augmenter progressivement les charges d'entraînement sur tout le plan de carrière.

Charge ne veut pas dire volume. On sous entend la charge interne, élément difficilement quantifiable ; fréquence cardiaque (>cardiofréquencemètre), taux de lactates (>Accusport), consommation d'oxygène (VO2>laboratoire), puissance(>SRM), pénibilité(>Echelle de Borg), … et la charge externe, plus facilement quantifiable, caractérisée par son volume, son intensité et son rapport travail/repos (W/R). Il est aisé de comprendre qu'en cap, un 6x1000m couru en 3'30'' avec deux minutes de récupération est beaucoup moins sollitant que la même série avec 1'00'' de récupération (encore faudrait-il analyser la nature de la récupération). Certains considèrent que l'index de charge est exponentiel avec l'intensité (qui suivrait plus ou moins la courbe des lactates).

ZONE
1
2
3
4
5
6
INTITULE
Récupération
Endurance
Tempo
Seuil Anaérobie
Vo2
Lactique
INDEX DE CHARGE (ex)
1
2
4
6
10
14

Charge séance = somme (temps passé en minute dans la zone x coefficient d'index de charge). Pour l'explication sur les zones, se référer au Triathlète Magazine numéro 183). Mais comment dire si une heure passée au seuil (zone 4) en cap est plus dure qu'une heure passée dans la même zone en vélo. On serait tenter de dire en cap de part les traumatismes occasionnés, mais cela ne prendrait pas en considération le passé sportif de l'athlète. Ces exemples pour montrer que quantifier la charge avec précision est extrêmement périlleux et seules les sensations ressenties pendant la séance seront les vrais indicateurs de la grandeur de la charge. Cela restera très subjectif.

L'alternance cyclique
Tout programme ne sera efficace que si l'athlète a l'opportunité de récupérer (activement et passivement) et d'assimiler le travail fourni précédemment (surcompensation). Il devra donc y avoir alternance entre phase de travail intense et phase de régénération, alternance également entre travail technique et travail physiologique, travail musculaire et neuromusculaire, etc.
Sur quelle fréquence programmer les intervalles de récupération active ? Le schéma 3 semaines progressives / 1 semaine de régénération est souvent proposé. Mais il ne prend pas en compte les capacités de récupération individuelle, ainsi que la charge totale des séances réalisées pendant les 3 premières semaines. Dave Scott (47 ans) avouait encore il y a peu qu'il était encore en mesure d'effectuer des séances aussi dures que lorsqu'il avait 20 ans, la différence se situant au niveau des délais de récupération accrue. C'est assez dure de prédire à l'avance à quelle vitesse va s 'adapter l'organisme en réponse à l'entraînement, d'où la difficulté de planifier à l'avance les périodes de régénération.

L'individualisation
Il faut se fixer un certain nombre d'objectifs à court, moyen et long terme. Il y aura autant d'objectifs différents que de triathlètes. Un triathlète voulant se qualifier pour Hawaii ne peut avoir la même orientation de travail qu'un athlète désirant évoluer sur distance sprint.
Etre compétitif sur le long et sur le court sur la même saison, est à mon sens, largement envisageable. Chris McCormack, Craig Walton, Joanna Zeiger, … en sont la preuve. Certes, il s'agit de triathlètes de classe internationale, mais les contraintes pour être compétitif à ce niveau sont d'autant plus grandes. Le fait est que trop d'athlètes s'enferment dans un schéma d'entraînement trop restrictif. L'adepte du long ne doit pas devenir esclave des sorties longues, il doit être mesure de conserver un travail de qualité (travail technique, musculaire, seuil anaérobie, … ). Parallèlement, plus la capacité aérobie sera développée chez l'athlète évoluant sur sprint, mieux il récupèrera entre les séances dures. Un triathlète présentant un point faible en natation ne peut pas avoir la même programmation qu'un triathlète présentant une lacune en cap.

La spécificité
Essentiellement valable sur le plan de carrière où les pratiques extra-triathlètique, nombreuses au moment de l'enfance et de l'adolescence seront de de moins en moins présentes vers les phases de spécialisation et de haute compétition. D'autant plus qu'avec trois disciplines à gérer, le triathlète aura encore moins de temps à consacrer à des pratiques annexes. Seules des exercices très spécifiques (compétitions ?) seront utilisés à haut niveau pour faire progresser encore plus le triathlète.

LA PLANIFICATION ANNUELLE

Plusieurs stratégies existent pour mener à bien cette progression sur la saison, mais il apparaît une planification récurrente.
Le découpage classique en 4 périodes semble adopté par tous.
Préparation - Précompétition - Compétition - Régénération
Le mode ondulatoire ( courbe de Matveiev ) également, qui veut qu'une période d'augmentation progressive des volumes doive précéder une phase de travail plus ''intensive''. En d'autres termes, le triathlète serait prêt pour la compétition une fois qu'il aurait terminé cette phase qualitative. Puis la période de régénération ferait suite aux dernières compétitions.

Remarques

  1. Cela revient schématiquement à réduire l'entraînement au système aérobie-anaérobie. La performance en triathlon ne se résume pas à l'optimisation de cet unique système. Cela n'explique en rien comment coordonner au sein de cette programmation les paramètres tel que : la technique, la force, la puissance, la VO2, le seuil lactique, l'économie gestuelle, … dans la discipline ; alors quand il y en a 3 à planifier.
  2. Il est reconnu que l'entraînement anaérobie a un impact négatif sur la capacité aérobie. Cela signifie donc que la seconde partie de la planification viendrait inhiber le travail de la première.
  3. Des expériences effectuées sur les animaux ont montré que les qualités de vitesse se développent 3 à 4 fois moins vite que la force et 23 fois moins vite que l'endurance. Il convient donc de commencer à développer la vitesse et la force très tôt dans la programmation puisque les adaptations à dominante cardiovasculaire seront plus rapides.
  4. Tout triathlète n'a pas la chance d'aller passer l'hiver à Lanzarote pour s'entraîner au soleil. Cela veut dire concrètement que réaliser des hauts volumes l'hiver, surtout en vélo s'avère très délicat. Reporter le volume sur la course à pied pourrait être une solution, mais cela reviendrait à augmenter le risque de blessures contraire avec le principe de continuité. Réaliser des hauts volumes en natation avec une technique incorrecte ne ferait que renforcer de mauvais schémas moteurs, d'autant plus difficiles à briser pendant la suite de la saison.
  5. Il n'existe effectivement qu'une période de compétition en triathlon, mais s'étalant sur pratiquement 6 mois (je ne parle pas des énergumènes qui font la saison de cross et la saison de duathlon…), il faut la scinder en deux pour refaire une période de travail l'été, ce qui fait qu'on aborde la programmation comme des disciplines à ''double périodisation'' type natation ou athlétisme (où il y a les championnats hiver et été).

Stratégies

  1. Ciblez ses objectifs 2003
  2. Le B-A-BA ; Penser l'entraînement comme un triathlète et ne recouper pas 3 périodisations en une. Un coureur à pied ne connaît pas le stress occasionné par la pratique du vélo et de la natation et aura pratiquement toujours des jambes en ''bon état'' au départ de sa course.
  3. Réfléchir sur ses facteurs limitant individuel ( triathlète magazine n°185).
  4. Prévoir régulièrement des microcycles où l'accent (qualité et quantité) sera mis sur la discipline posant problème (en principe celle où vous avez le moins de plaisir à vous entraîner ) - ne pas augmenter la charge totale sur le microcycle mais la répartir différemment en allégeant les deux autres disciplines (1 à 2 séances suffisent pour entretenir les qualités ), c'est à dire concrètement qu'un piètre nageur qui a l'habitude de réaliser 10 séances (au total) dans la semaine peut prévoir des périodes où il nagera 6-7 fois pour une séance vélo et deux footing souples. Se dire que 6 mois de préparation ce n'est pas si long que cela et qu'il ne va peut-être pas falloir vouloir progresser de front dans les 3 disciplines.
  5. Inclure dès le début de l'hiver des séances de développement de la force surtout en cyclisme qui maintiendront le système cardiaque sous contrôle et des séances de développement de la vitesse en cap. Ainsi le cœur montera beaucoup plus facilement par la suite sur les séances dures puisque les facteurs musculaires seront moins limitant.
  6. Insister sur la technique de nage en crawl (pas forcément en ne faisant que des éducatifs)
  7. Ne faite pas plus de 3 séances de qualités par semaine ! Contrairement à l'idée générale qui dit qu'on peut enchaîner des séances de qualités sur des trains différents ( une série dure en bras en natation peut succéder une séance dure en cap), il faut penser que la fatigue n'est pas seulement locale mais générale ( système hormonal, nerveux, immunitaire, …)
  8. Programmer dès le début de la planification des séances à allure de course et augmenter progressivement le volume total de la semaine.
  9. Multiplier les enchaînements vélo-cap (et cap-vélo pour les duathlètes). Même à haut niveau, certains triathlètes n'enchaînent pas suffisamment.
  10. Profiter du week-end pour faire vos sorties longues (en cap et/ou en vélo) - utiliser le lundi et le vendredi pour la récupération active, et placer vos séances intensives entre le mardi et le jeudi.
  11. Ayez un but précis pour chaque séance.
  12. Prévoir des tests ou des séries tests (15x100m p=10'' en natation / 7x1000m p=1' en cap) pour évaluer vos progrès.
  13. Placer des phases de régénération ( séances courtes et peu intenses ) à intervalle régulier.

Rodolphe DEBUREAU

 

 



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