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Courir plus vite
par Rodolphe Debureau

Article paru dans Triathlète magazine Numéro 191 - Mars 2003
édité pour onlinetri.com

Analysons ensemble la spécificité de la dernière épreuve de votre sport préféré, la course à pied, avec pour but ultime : vous faire courir plus vite !

Malgré les apparences, les prestations pédestres sur les triathlons ont peu évolué depuis 15 ans. Mark Allen avait déjà couru en 2h40 sur l’Ironman d’ Hawaii en 1989 pour battre Dave Scott, et en moins de 33’ sur un triathlon courte distance à Chicago au début des années 1990.
Courir plus vite passe par une certaine rigueur, une régularité dans l’entraînement et surtout par une analyse approfondie de la course à pied en triathlon.
Après des années d’observation de triathlètes, j’ai pu remarquer que les erreurs les plus fréquemment commises dans leur entraînement course à pied sont :

A – LE MANQUE DE SPECIFICITE
La plupart des triathlètes évoluant sur Distance Olympique (1,5/40/10km), suivent ou copient bien souvent des planifications et des programmes destinés aux coureurs de 10km.
Ceci pose plusieurs problèmes :

1) Ces planning ne prennent pas en compte la fatigue et le stress occasionnés par la pratique du vélo et de la natation.
Un coureur à pied peut se permettre d’effectuer 2 à 3 séances de qualité dans la semaine, ce qui fait que le triathlète qui l’imite augmentera grandement sa charge hebdomadaire de travail ; 1 séance de qualité par sport et par semaine est amplement suffisant pour la plupart d’entre vous. La fatigue n’est pas seulement locale mais générale (système immunitaire, nerveux, hormonale).

2) Le but d’un triathlète est de courir en situation de fatigue, en étant ‘’attaqué’’ musculairement et psychologiquement.
Vu la spécificité du triathlon qui impose de courir ‘’vite’’ à la pose du vélo, on peut se demander s’il faut réaliser ses séances qualitatives en situation d’enchaînement et de préfatigue. Je dirais pas systématiquement mais de temps à temps. Et enchaîner une séance de piste après 15’ de home trainer à 90 bpm de pulsation présente peu d’intérêt. Il faut que la séance vélo soit suffisamment longue ou intense pour générer un stress qui se rapproche des conditions de course. En revanche, courir, même lentement, après une sortie vélo, développe des adaptations. Pas besoin de courir longtemps. 15 à 30’ peuvent être suffisant ; redistributions des masses sanguines des chaines antérieurs aux chaines postérieures, modification des repères, aspects psychologiques. (Pendant l’enchaînement, la fréquence cardiaque est souvent plus élevée, pour la même vitesse de déplacement, de part la déshydratation plus ou moins marquée, un sang plus épais et un volume d’éjection systolique moindre, la fameuse dérive pulsative). Mais les enchaînements fatiguent beaucoup, donc il ne faut pas en abuser non plus.

3) Les vitesses où se courent un 10 km FFA sont supérieures à celles d’un triathlon distance Olympique.
Environ 103% de la vitesse au seuil anaérobie sur un 10 km FFA et au mieux 100% du seuil anaérobie sur un triathlon DO ! Un triathlète est plus proche d’un coureur de semi-marathon qu’un coureur de 10 km à la pose du vélo.
Même à niveau international, les meilleurs triathlètes courent à environ 3’10’’ de moyenne au kilomètre, soit environ 19km/h, avec un premier mille chronométré en 2’50’’, qui n’a à mon sens pas lieu d’être, car il faudra bien payer par la suite ce départ en surégime ; autant il se conçoit en natation, mais en course à pied ? Et les avantages du negative split (deuxième 5000m plus rapide) ne sont plus à démontrer.


B – LA SURESTIMATION DES ALLURES
Les triathlètes s’entraînent trop souvent sur des rythmes auxquels ils souhaiteraient évoluer, et non pas sur des rythmes qui reflètent leur niveau réel du moment. Quelqu’un qui a une vitesse au seuil anaérobie à 17km/h, doit faire ses séances au seuil à 16,5km/h-17km/h ; ce n’est pas en travaillant à 18-18,5km/h que les progrès arriveront plus vite, bien au contraire, et les résultats sur les compétions futures pourront être bien décevant. Travailler au-dessus n’engendra pas d’adaptations plus rapides, mais une fatigue préjudiciable.


C – LA PLACE TROP IMPORTANTE ACCORDEE A LA VMA

Au profit d’un travail sur des allures plus utiles.
Ah la fameuse VMA (Vitesse Maximale Aerobie )! Indispensable pour certain, peu utile pour d’autres.
Pour un coureur de 5000 m ou de 10000 m, je suis d’accord que la place dans l’entraînement doit y être plus prépondérante, mais pour un triathlète (même à très haut niveau), elle l’est beaucoup moins.
Si l’on y réfléchit bien, la vitesse maximale qui développe à 100% la filière aérobie, c’est la vitesse au seuil anaérobie, et non la vitesse maximale aérobie, puisque après le franchissement du seuil lactique, les processus anaérobies contribuent fortement à la fourniture d’énergie, et que le taux de lactate à brutalement tendance à augmenter, preuve en est ici que l’on ne se situe plus en aérobie strict.
D’ailleurs, que cherche t’on réellement à développer à travers une séance VMA, les séries de 200m ou les séances de 30/30?

La Vo2max ?
Astrand a montré, dès les années 1960, que les intervalles longs (environ 3’ ) étaient beaucoup plus intéressant pour développer la VO2max que les intervalles courts. S’ils sont moins durs d’un point de vu biomécanique, car ils sont courus à allure du record sur 5km environ, ils sont beaucoup plus sollicitant d’un point de vu cardiovasculaire, et surtout mental. Donc on est pas obligé de courir à VMA pour développer VO2max ! (exemple 5x1000m allure 5km r=400m trot en 2’)
Un 10x200m ou un 2 x(10x30’’/30’’) couru à VMA ont peu d’influence sur la VO2max, car les intervalles sont trop courts pour atteindre un débit ventilatoire et cardiaque suffisant, ou alors, on y parvient sur les dernières répétitions, et le volume total est insuffisant pour stimuler efficacement la VO2max.

Les qualités gestuelles et de pied ?
Alors, des lignes droites peuvent suffire, ou un travail de préparation physique généralisée (corde à sauter, griffé, skipping.)


D – L’UTILISATION DE TESTS PEU ADAPTES
Un coureur de 100m n’utilise pas un test de 5000 m pour se tester. Il ou son entraîneur met en place des tests dans des allures ou des filières qu’il utilisera en compétition, en l’occurrence pour lui, des tests de réactions ou visant à l’évaluation de la filière oiuhhjh anaérobie alactique (puissance ou capacité).
Ce qui veut dire concrètement, que le triathlète doit voir s’il s’améliore dans des allures qui lui seront utiles en compétition.
Or la plupart des tests utilisés visent à déterminer le VMA.
Remarque 1 : un triathlète peut très bien stagner à VMA et grandement s’améliorer sur ses vitesses au seuil anaérobie.
Des coureurs réputés (Derek Clayton, record sur marathon 2h08’34’’ et Frank Shorter, record sur Marathon 2h10’30’’ ) réalisèrent des prestations exceptionnelles, avec des VO2max voisines de 70ml/mn/kg, en optimisant leur pourcentage d’utilisation, ainsi que leur économie de course.
Remarque 2 : la VMA varie grandement suivant les tests utilisés, donc quelle valeur choisir ?
>le test Luc Léger ou test navette sous estime la VMA, car les nombreux blocages limitent trop l’athlète musculairement pour exprimer totalement son potentiel aérobie.
>le test Léger Boucher, progressif sur piste, surestime, à mon sens, la VMA pour la plupart des (tri)athlètes.
>les tests sur plateau médical type CHU, sont limités par l’habitude et l’aptitude à courir sur tapis roulant, et sont difficilement reproductibles plusieurs fois sur une même saison.
>les tests rectangulaires, type 2000 m ou 3000 m semblent alors les plus adaptés, si l’allure est restée régulière sur ces tests. On ne peut pas conclure qu’un athlète qui réalise 6’20’’ sur un test de 2000 m à une VMA à 19km/h s’il est passé au premier 1000m en 2’58’’ et 3’22’’ au second.
Remarque 3 : on a tendance, inconsciemment, à orienter l’entraînement, pour s’améliorer sur les tests que l’on prépare.

Les meilleurs tests restent encore les tests rectangulaires sur compétitions de course à pied FFA, sur des distances allant de 10 à 21,1km.
Remarque 4 : si vous perdez plus de 10% entre un 10km ‘’sec’’ et un 10km sur triathlon, rien ne sert d’augmenter la charge d’entraînement en cap, mais intensifier ( volume/fréquence et intensité) plutôt votre entraînement vélo pour quitter l’aire de transition le plus frais possible et exprimer ainsi votre niveau intrinsèque de coureur.


LES SEANCES CLES POUR UN TRIATHLETE.

- la sortie longue : même un coureur de courte distance tirera avantage à effectuer des séances longues, dépassant 75 minutes. Pour les Ironmen, dépasser trop fréquemment deux heures augmentera de façon importante le risque de blessures.
- la séance au seuil anaérobie, donc le travail plus ou moins à allure de course du triathlon DO, que l’on peut diviser en 3 sous-groupes.
> Le travail de mémorisation de l’allure. Sans vouloir imiter Zatopek et ses 100x400m (!), un travail au seuil anaérobie sur des intervals courts type 400 m permet de réaliser un kilométrage important à vitesse critique sans trop augmenter la charge de travail. La fréquence cardiaque sera sans doute plus basse que d’habitude, mais les jambes mémoriseront une allure ‘’utile’’ d’un point de vu amplitude et fréquence de foulées.
> le travail du temps de soutien. Courrez à la même allure, mais sur des intervalles beaucoup plus longs, exemple, un 4x2000 m pour un triathlète entraîné, récupération de l'ordre de 30% à 50% du temps d’effort.
> le travail sur la fatigue, ou comment s’habituer à évoluer à vitesse de compétition en situation de préfatigue (=triathlon), soit en fin de sortie longue, exemple 1h10’ footing souple + 20’ au seuil anaérobie, ou 20’ au seuil anaérobie après un Contre la Montre en vélo de 20 km.
- la séance de côtes. En variant le pourcentage et la longueur de la cote, pour stimuler encore plus le recrutement musculaire. L’intérêt est double, le cœur monte plus facilement que sur le plat, et cela permet de renforcer la force développée par les membres inférieurs. Le seul point négatif sera sans doute, que l’on augmente un peu la charge articulaire, ainsi que les contractions excentriques pour revenir au point de départ. Travaillez sur une boucle vallonnée ou en aller-retour dans la cote.
- le footing après une sortie vélo (courir doucement en enchaînement provoque des adaptations)
- les lignes droites. Tout en gardant une charge de travail relativement faible, elles permettent d’effectuer un très bon travail gestuel et technique. La récupération inter-ligne doit être complète pour ne pas retomber dans un travail à dominante cardiovasculaire (récupération passive sur place ou retour en marchant jusqu’au point de départ.)
- les footings de régénération : permet d’assimiler tout le travail qualitatif et fait du bien mentalement. Durée : 30’ à 45’ couru lentement.

LES SEANCES CLES
sortie longue
seuil anaérobie
côtes
lignes droites
footing de régénération
contenu
De 1h15’ à 2h00 (2h30 sur certain cycle spécifique pour les triathlètes LD) Compromis progression / récupération / augmentation du risque de blessures
mémorisation
temps de soutien
préfatigue
De 30’’ à 3’ récup 100% à 300% du temps d’effort / pourcentage varié. FCMax peut etre atteinte.
Longues de 50m à 100m Volume total de 5 à 40 lignes. Récupération totale.Allure record sur 1000m, pas plus vite. Travailler le relachement et la dynamique du pied.
30’ à 45’très lent / inférieur à 80% de la vitesse au seuil, environ 50 battements sous fréquence cardiaque maxi.
Intervalle de 400 à 600m total 6 à 12 km suivant niveau. Exemple 20x400m r=100m trot en 35’’
Intervalle de 1000m à 3000m total 6 à 12 km suivant niveau. Exemple 3x2000m+1x1000m r=400m trot en 2’
15’ à 25’ continu suivant le niveau

Ceci impose aux triathlètes une parfaite connaissance de leurs allures.

Bon entraînement à tous.
RD






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