z'en pensez quoi ?
Correspondant de Sport en Italie, Guillaume Prébois est un passionné de cyclisme, qui s’est lancé un incroyable défi . En juillet prochain, avec 24 heures d’avance sur le peloton, il va courir le Tour de France sous haute surveillance médicale. Il s’explique.
« Ce sont les mots prononcés par le champion du monde Tom Boonen,
à l’issue d’une terrible étape pyrénéenne du Tour 2006, qui ont tout déclenché et m’ont donné l’idée de me lancer dans ce projet. “Aujourd’hui, une personne normale aurait terminé à l’hôpital”, avait lâché, sur la ligne d’arrivée, le coureur belge, épuisé, avant d’abandonner la course le lendemain. Cet aveu d’impuissance de
Boonen m’a vraiment interpellé : il est vrai que parfois, le parcours du Tour de France semble carrément inhumain. Alors que l’affaire Floyd
Landis et le scandale des poches de sang du médecin espagnol Eufemiano Fuentes polluent l’ambiance du peloton, je me suis, comme beaucoup sans doute, posé les questions suivantes. Peut-on avoir des ambitions et
viser des résultats sur le Tour de France, quand on court “à l’eau claire” ? Comment l’organisme d’une personne “normale”, réagit-il à ces trois semaines d’efforts particulièrement intenses, sans recevoir la moindre aide pharmacologique ?
25 000 KILOMÈTRES PAR AN
Comme vous, je suis tout à fait normal. Et, comme des milliers de cyclistes “amateurs” et passionnés, je m’entraîne de manière très
régulière, à raison de 25 000 km par an. Par amour du cyclisme, par curiosité professionnelle aussi, et pour tenter de répondre aux questions
que je me pose, j’ai donc décidé de relever le défi . Le 6 juillet prochain, à la veille du départ des pros, je m’élancerai moi aussi de Londres pour
couvrir la totalité du parcours du Tour 2007, au mètre près… Avec mon ami Fiabio Biasiolo, un cycliste amateur italien, qui a décidé de s’engager
à mes côtés dans cette aventure, nous allons avaler, en trois semaines, 3 547 km, répartis en 20 étapes, soit une moyenne quotidienne de 177 km. Ce projet vise un double objectif, journalistique et médical.
UNE EXPÉRIENCE INÉDITE
Avant tout, j’ai envie de vivre et de raconter le Tour de France avec un autre point de vue. Celui d’un journaliste qui mouille le maillot,
qui pédale dans le vent des plaines du Nord, sur les pentes sévères des cols des Alpes et des Pyrénées et sur le goudron fondant de la Provence, avec l’envie sincère de comprendre et de partager la souffrance des coureurs pendant trois longues semaines. Ne serait-ce que pour démontrer que les journalistes ne sont pas des pique-assiettes qui boivent
l’apéro au buffet de la salle de presse sans savoir de quoi ils parlent. Traverser la France sur une selle de vélo, ce n’est pas la regarder
distraitement à travers le pare-brise d’une voiture, c’est la redécouvrir et la sentir pour mieux vous la conter.
ROULER, MANGER, DORMIR…
Quand j’ai évoqué ce projet avec des coureurs professionnels, ils m’ont dit : “Tu auras besoin de perfusions de glucose et d’acides aminés, sinon tu n’arriveras pas au bout.” Eh bien non : Fabio et moi renoncerons même à la vitamine C ! Notre Tour de France et de force doit être transparent comme l’eau claire. Nous nous entraînons depuis novembre avec une recette simple : rouler (énormément), manger (sainement) et dormir (profondément). Durant l’épreuve, un diététicien nous aidera à
trouver dans l’alimentation tout ce dont notre corps a besoin pour récupérer, notamment en protéines et sels minéraux. Tous les produits énergétiques de nos ravitaillements seront à base de céréales, de miel et
de plantes. Bref, 100 % naturel ! Durant les trois semaines, nous tenterons donc de répondre empiriquement à cette question médicale : comment le corps d’un individu normal réagit-il à la fatigue et au stress de sept heures de route quotidiennes durant vingt jours, sur un parcours aussi exigeant que celui du Tour ?
UNE BATTERIE DE TESTS
Pour cela, je servirai de cobaye à une série de contrôles et de tests scientifi ques. Le SRM System, un ordinateur installé sur mon guidon, calculera en temps réel la puissance développée et les calories brûlées
grâce à des capteurs placés dans le pédalier. Poids, pression, fréquence cardiaque, globules rouges, fer, cholestérol : nous saurons tout, jour
après jour. Les résultats de mes analyses sanguines seront publiés et analysés pour comprendre comment mon organisme s’adapte
et réagit. Il est hors de question d’envisager une quelconque comparaison de mes paramètres physiologiques avec ceux des professionnels.
Pourquoi ? Tout simplement parce que je n’ai pas leur niveau. Même si notre approche du Tour sera compétitive, je ne fais pas la course. En effet, je ne roulerai pas en peloton, or tout le monde sait que, dans une échappée, la dépense énergétique est nettement supérieure. Mais sur cette planète, on recense environ 1 500 professionnels, contre 6 milliards de gens “normaux” qui seront probablement intéressés de connaître les
résultats de notre expérience. C’est pour eux, pour vous, que nous pédalerons. Aussi j’invite donc dès à présent tous les cyclistes passionnés
qui habitent dans les régions traversées par le Tour 2007 à se joindre à nous quand ils nous verront passer, même pour dix ou vingt kilomètres, pour partager quelques relais, une passion et un idéal. Celui du cyclisme propre, celui de la sueur et de la fatigue… Bien sûr, je ne peux pas garantir que je réussirai à arriver sur les Champs-Élysées, mais je peux promettre que je me battrai jusqu’à l’épuisement. Rendez-vous à Londres le 6 juillet et j’espère à Paris, trois semaines plus tard ! »
GUILLAUME PRÉBOIS
34 ans, 1,87 m, 71 kg
Profession : journaliste
(correspondant en Italie de médias
français, suisses et belges).
Expériences cyclistes :
3 000 km le long du Danube,
de la Forêt noire à la mer Noire,
tour de l’Italie, de Vintimille
à Trieste (3 300 km).