Récits d'IRONMAN

Bonne humeur de rigueur, pour les sujets ne concernant pas le monde sportif merci de poster dans "...et plus si affinité".
Avatar de l’utilisateur
coach
Messages : 88
Inscription : 12 juin 2004 15:56
Localisation : Bordeaux
Contact :

Message non lu par coach »

super récit nico U :wink: ,

ca donne envie, il va falloir que j'y songe serieusement à embrun, mais le parcours velo me fait plutôt peur.

Je vais commencer par Roth :idea: je pense.

pourriez vous décrire sur le post IM : nirvana du tri... vos sentiments sur la distance IM, j'aimerai en savoir +
Triathlète aux cuisses de skieur

Du triathlon pour tout le monde, triathlètes du LD Objectif Triathlon
http://objectif-triathlon.onlinetri.com
cessio
Messages : 832
Inscription : 20 janv. 2004 20:41
Localisation : à l'ouest y'a du nouveau !!
Contact :

Message non lu par cessio »

article paru sur xtriathlon.....
si vous aussi vous avez des choses à raconter, faites-le le forum ou x triathlon sont ouverts:

"Embrunman : tu pleures ?

Bonheur, joie et souvenirs puissants après des efforts et des moments passés à se remettre en question, durant plus de 14 heures… L'Embrunman laisse des traces de sel sur les visages
Photo : cliquez pour agrandir

:: Auteur de l'article :: Michael Fuentes »

date de publication : 2005-08-31

"Un défi… Une folie… Je me suis d'abord dit que c'était une pure folie que de s'inscrire pour l'Embrunman 2005… En 2004 j'avais mis 15h58'40'' pour obtenir la récompense du T-shirt de finisher… et j'ai mis près de 4 mois à récupérer complètement…
Mais le désir était trop fort. Malgré une préparation difficile (hiver pourri et froid), j'ai envoyé le bulletin. Et un jour j'ai vu mon nom et mon nouveau numéro de dossard sur le net. Et là, tu te rends compte que tu y es. Les doutes, l'euphorie des heures d'entraînement. Et maintenant je suis là, assis, ce 15 août 2005. Il est 22h00 je suis "mort" mais heureux.
J'attends la barquette de frites que ma femme est partie chercher, le dos contre la barrière le long du lac près des commerces. J'entends ma fille (13 ans) encourager les derniers triathlètes qui passent, je l'admire, elle s'est levée à 4h00 pour m'encourager dès le départ.
La veille elle a participé à son deuxième triathlon (Avenir), elle a fini crevée et avant-dernière, mais l'interview du speaker et la présence d'Estelle Patou à l'arrivée qui l'a raccompagnée à son box (merci Estelle…) lui ont fait reprendre le sourire. Et maintenant de la voir et de l'entendre crier, je suis au paradis. Je me lève pour la prendre dans mes bras, je l'aime fort.
Nous encourageons ces sacrés triathlètes qui en finissent, j'étais à leur place l'année dernière, je sais ce qu'ils vivent. Je regarde les spectateurs, j'écoute ces gamins qui crient à chaque passage d'un triathlète, je savoure les commentaires élogieux des adultes, j'admire leurs encouragements et la dextérité avec laquelle ils cherchent les noms des concurrents sur la liste. A 22h00. Je les entend encore "mais comment font-ils… Pourquoi ils y en a qui ont un collier fluorescent ?..."
J'engage la conversation, simplement j'essaie de répondre aux questions. Quel bonheur de faire partager sa passion et cette journée. Mais que cela est difficile. Comment décrire cette minute de silence à 5h50, où, plus de 800 triathlètes et des centaines de spectateurs, rendent hommage à ce triathlète décédé trop tôt (salut mon gars…). Comment décrire se plongeon dans l'eau noire et froide ? Ce bruit ! Comment expliquer la sortie de l'eau, ces premiers pas hésitants ? Ce froid. Comment raconter ce parcours vélo, ces premières côtes. Les gorges de Guil et L'Izoard si ventés et si froids cette année. Cette descente à 90 km/h sur Briançon. Cette côte "The Côte" de la Roche de Rame, l'aérodrome, cette solitude, cette fatigue, cette lassitude et puis le retour sur Embrun et la côte de Chalvet. Comment le décrire ? Comment faire partager ce terrible marathon, ces deux tours infernaux, où l'on vit l'enfer en sachant que le paradis est au bout. Comment ?
Comment ne pas pleurer quand tu racontes cette ligne droite, à l'arrivée, main dans la main avec ta fille… Elle rit, elle pleure comme toi dans ces 100 derniers mètres… Même en écrivant ces lignes j'en suis encore ému, très ému…
Je reprends mes esprits et nous regardons ce triathlète, il est 22h25, il est épuisé, il a du mal à trottiner, trois gamins lui tendent la main, il est mort, mais il trouve la force de lever son bras et de taper dans chaque main, il faut voir ces regards et les sourires des gamins, les entendre "tu as vu il m'a touché, ouais moi aussi…" ces images et ces phrases resteront gravés à jamais dans ma tête…
Nous regardons les derniers triathlètes en finir, je vais rentrer car je ne tiens plus debout, je remercie ces gens qui m'ont écouté et avant de partir, je leur ai juste conseillé d'essayer et de vivre ce que j'ai eu la chance de vivre… Ne pas avoir peur et juste le faire… Sans se poser de questions, en commençant par un Découverte et pourquoi pas essayer plus ?
A Marco mon père qui aurait été fier de moi, à ma famille, à toi Monsieur Michaël Lecuivre (My Coach) et merci à ces deux couples et leurs enfants qui m'ont écouté et à qui j'espère avoir fait partager cette journée.

Salut à toutes et tous…"

Michaël
Embrunman Finisher 2004 15h58'59"
Embrunman Finisher 2005 14h50'52"

La course :
Pour ceux qui connaissent Embrun cette année a été à la hauteur de sa réputation. Sinon pour les autres qui veulent découvrir…

Natation :
Départ : 6h00 eau 16° air 13°, nuit noire 2 tours (2x1900 m), pour 3800 m de folie, cette année a été plus dure même si je sors plus vite et plus frais, j'ai trouvé l'ambiance moins fair-play.

Vélo : L'ENFER… 40 premiers Km le froid cette côte qui n'en finit pas mais il n'y avait pas de vent donc cool, ensuite l'enfer… Gorges du Guil vent de face… fort… La montée vers Brunissard… L'enfer… L'Izoard + 8° vent de face… L'enfer… Briançon la côte de la Roche de Rame vent dans le dos que du bonheur… Puis ce vent qui se met à tourner pour revenir de face de l'aérodrome jusqu'à Embrun… dur… dur…

Marathon : Le vent, le vent, la chaleur, le parcours, ces bosses, j'ai craqué au 30Km trop dure la digue de face, j'ai pu récupérer au 37km, la descente de Baratier m'a sauvé…

L'arrivée : que du bonheur indescriptible… merci a toutes les personnes qui étaient là… Vraiment merci de tout mon cœur… Bravo à vous…

Préparation : J'ai pris la décision de m'entourer d'un entraîneur, j'avais trop souffert en septembre et octobre l'année dernière. Cette année les bonnes séances et un travail approprié m'ont fait gagner 1h10 avec les conditions climatiques terribles que j'ai rencontré. Et surtout 2 jours après je "mangeais" l'Izoard face sud et aujourd'hui je reprends la nage et le footing…
Merci Mika (Triadis) cela n'aurait pas été possible sans toi…

Mention spéciale :
Mes partenaires qui m'ont soutenu jusqu'au bout…

Casino et Indigo (Collioure) salut Christophe
Le Saint Elmes (Collioure) salut Nicolas
Dispuig (Gerona) salut Christophe
Le Pescator (Port-Vendres) salut Franck
Sct Vergé (Pollestres) Salut Thierry

Salut à toi Roland…
cessio
Messages : 832
Inscription : 20 janv. 2004 20:41
Localisation : à l'ouest y'a du nouveau !!
Contact :

Message non lu par cessio »

Coeurgan



Inscrit le: 15 Oct 2004
Messages: 85
Karma: +7/-0

Posté le: 31 Aoû 2005 15:21 Sujet du message: CR Embrunman 2005

--------------------------------------------------------------------------------

Avant la course

Il est 3H45. J’avais dit 4H. On fait pas toujours ce qu’on veut comme quoi. Pas la peine d’insister, je me lève. J’éteins le réveil pour ne pas réveiller ma douce et je sors dans la pièce principale. En pleine forme dés le réveil, le truc qui m’arrive jamais en allant bosser par exemple. Bizarre...

Frère est là déjà. Il avait dit trois heures lui alors c’est normal. Il y a du thé sur la table, sept bidons dans l’évier et un nombre impressionnant de barres énergétiques dans tous les coins. Au centre de tout trône l’indispensable gateausport. “C’est pas du dopage”... La règle est simple, pour une journée comme ça c’est la moitié d’un gâteau. Minimum. Alors je mange.

Petit à petit on avance, il faut remplir les bidons et le sac isotherme, marquer le sac du ravitaillement perso, préparer les sandwichs pour midi et les gels pour ce soir. Il vaudrait mieux y aller maintenant non? Si. N’oublie pas la pompe. J’oublie pas...

Le parc est étrangement silencieux malgré tous ces triathlètes qui s’affairent autour de leurs montures. C’est la nuit qui fait ça sûrement. Ou l’épreuve qui sait? En tous cas ça farfouille, ça accroche, ça épingle, décroche, essuie, déplace, replace, ça pompe aussi beaucoup, bref tout ce beau monde fouinfouine à qui mieux mieux. Et l’heure tourne et il est temps d’y aller. Alors j’y vais. Sylvain n’est pas tout à fait prêt mais on aura bien le temps de se voir. “A tout à l’heure...”

Je mouille mes lunettes. Je les ajuste tranquillement. J’écoute le speaker, le public. Je tape dans les mains. Je pense à une petite mignonne, à une grasse matinée. Je regarde les triathlètes qui rigolent ou qui se concentrent... Rien n’y fait, les démons du départ sont bien présents : je crève de trouille. C’est triste mais c’est comme ça. Heureusement on compte déjà à rebours, six heures sonnent.

La natation

C’est parti.

Le triathlète fraîchement libéré dans une eau abondamment garnie de bouées et d’autres triathlètes est notoirement assoiffé de sang et d’eau. Il fait généralement preuve d’une brutalité à faire rougir un troupeau d’éléphapotames en furie. Aujourd’hui pourtant, c’est peut-être dû à la douceur de la nuit, le triathlète fait preuve d’une surprenante retenue. C’est limite si on ne se laisse pas passer en souriant. Le plan d’eau d’Embrun est-il un havre de paix dans le monde tourmenté des départs natation ? La question est posée...

Moi comme j’ai un peu de temps je reprends tout au début. Bien respirer d’abord, c’est important, un coup à gauche, un coup à droite. Souffle bien tout ton air dans l’eau ! Voilà ! Robin a dit : “Allonge bien ton bras vers l’avant !”. Alors j’allonge bien le bras vers l’avant. Erk a dit : “Pousse bien ta main avec ton coude”. Je vous jure qu’il a dit ça... Du coup je pousse avec mon coude. Jacques n’a rien dit, encore heureux... Avec tout ça j’avance toujours pas bien vite. En plus je sais pas trop si je suis dans la bonne direction. Une bouée approche, lentement. Des bonnets bleus venant d’un peu partout s’approchent aussi. C’est bon signe. Je me sens moins seul. Parmis eux il y a même Sylvain. Les démons du départ ont disparus. La course est vraiment partie.

A la fin du premier tour le soleil a montré le bout de son nez. A la fin du deuxième il fait franchement jour. Il est donc temps de sortir. Je sors. J’ai perdu Sylvain. Il ne doit pas être loin. En effet le temps d’enlever ma combinaison et le voilà. J’attrape mes gels et mes pâtes d’amande. Je mets mon casque aussi, c’est important le casque, et je trace.

Le vélo

Dés le début ça grimpe, alors dés le début je fais tomber les plateaux. Je mouline. C’est facile le vélo comme ça. Autour de moi des coursiers passent. Plus ou moins vite. Tous ne se soucient pas de la règle du triple plateau. Les gens applaudissent et crient comme des fous. Notre quatuor de supporters est là. Je souris. Ca grimpe mais tout va bien. Et puis j’aime bien les montées. Heureusement d’ailleurs.

Sur la route il y a tous les genres. Il y a des bons cyclistes qui ont réussi à nager aussi mal que moi. Ils me déposent sans forcer. D’autrent roulent entre amis. Ils tapent la discute sur la femme, les enfants... Et comment s’est passé la natation? Et t’as pas vu René on s’est perdu de vue au départ ? Bonne humeur matinale... Pour certains c’est plus grave, ils sont déjà à l’article de la mort. Ceux là m’étonneront toujours. On en voit dans toutes les courses, déjà agonisant au premier kilomètre d’un marathon et qui pourtant vont jusqu’au bout. Une partie de moi me dit que cette fois y’a pas moyen, ce gars là jamais il arrive dans les délais. Une autre partie me dit que si, qu’il faut pas se fier aux apparences, et vas-y mon gars, ça va le faire... J’en reverrai certains, d’autre non.

Moi je suis concentré. Je regarde mon compteur. Je tripote les boutons. Je regarde l’heure. Tout se déroule comme prévu. Mais aujourd’hui il faut pas faire d’erreur. Alors je regarde mon compteur, je tripote le boutons, je regarde l’heure et je revérifie. Et ainsi de suite... Dans la descente je me crois seul alors je chante. Une fusée me dépasse, visage fermé. Espoir ténu, pourvu qu’il n’ait rien entendu...

Retour sur Embrun et ambiance Tour de France. Ca fait dresser les poils, c’est délicieux. Je baisse la tête pour avoir l’air d’un coureur. Encore une fois je me sens bien. Sur la route : “A bloc Jojo Vainvain”. Jojo c’est moi. Trop bon. Je me retiens de pas accélérer. Longue journée en perspective.

Guillestre. Moment clé. L’Isoard est en vue et on sent que ça ralentit. A nouveau Rob, Erk, Jéjé et ma petite sont là. Je souris. Tout va bien pour vous les jeunes? Je blague. Je suis en grande forme. Mon compteur me le confirme : les délais vont exploser. Je biche à mort. Je relance. Des groupes de cyclistes me doublent en paquet. Je me dis qu’ils ratent quelque chose. Je suis pas sûr pourtant qu’ils nous envient.

Au début les gorges c’est sympa ça descend. Dans un des tunnels il y une zone, très courte, dans l’obscurité. Je me crispe sur les freins. Je retiens mon souffle. Evidemment il n’y a ni trou, ni bosse, ni monstre tapi dans l’ombre. N’empêche ça fait peur. La route est magnifique. Sur la rivière des rafts galèrent entre les rochers. Il y a peu d’eau faut dire. Ce qui est dur en raft, c’est la sécheresse.

En vélo ce qui est dur c’est pas la sécheresse. En vélo ce qui est dur c’est le vent. Surtout le vent de face. Surtout dans un petit faux plat bien faux-cul comme celui là. Surtout avant le col. En tous cas mon compteur est impitoyable. Moment assez difficile. En plus j’ai beau y repenser le vent n’est pas censé souffler dans ce sens là à cet endroit là. Bonne nouvelle pour le retour sans doute, mais il faudrait pas qu’il soit défavorable dans l’Isoard. Il faudrait vraiment pas.

Il l’est.

Je remets en route la machine à calculer. 13H10. Ca ira. Juste. Je m’inquiète pour Sylvain. Derrière moi il n’y en aura pas tant que ça dans les délais. A Brunissard c’est l’apocalypse. On voit la pitié dans les yeux des spectateurs et une sorte de résignation dans les yeux des triathlètes plantés. On attend le sommet en serrant les dents. Ca ira mieux en haut. Si on y arrive...

Sur la route : “Turbo Jojo Vaivain”. J’esquisse un sourire en regardant mon compteur. J’aurais pu pleurer aussi. Qu’est-ce que tu fous Vainvain d’ailleurs? Va falloir te presser un peu tu crois pas? A la casse déserte je me crois arrivé. Et puis j’aperçois le sommet. Encore un passage difficile. Le vent souffle un lacet sur deux, toujours de face. Etrange. Loin du grand moment que j’imaginais, le sommet est un vrai soulagement. Je me remplis bien la panse et les poches. Je vais repartir mais on m’arrête. Je dois mettre quelques chose pour me protéger du froid. Je dis “Pas moyen”. Le gars me regarde en souriant et me dit d’arrêter d’être con. Je répète “Pas moyen”. Mon cerveau est un peu en purée. Finalement il me glisse un truc sous le maillot. Poli, je repars en remerciant. Une minute plus tard j’adresse une prière pour que ce gars là aille direct au paradis. Affaibli par la montée, je tremble de froid au sens propre. J’entends même pas le vent tellement je claque des dents. Je suis en retard alors je passe vite les virages et je relance bien après. Dans les lignes droite je me calme. Il fait trop froid. C’est dur le vélo. Et puis je voudrais bien savoir où est Sylvain.

Dans la vallée la chaleur, enfin. Et le vent dans le dos, enfin. Je mets le turbo réclamé par nos supporters. Puis je me calme un peu. J’attends Pallon et son mur. Dans Pallon petite folie et moyen plateau. C’est dur mais ça avance. C’est bon pour le moral en plus. Et en parlant de moral Céline et les autres sont là pour me le remonter à bloc. Je ne flanche pas. Il ne savent pas où est Sylvain. C’est très inquiétant. Jéjé m’encourage “Pour toi c’est bon...”. Pour moi c’est bon oui, mais ça me plairait pas trop de finir sans mon grand frère. Qu’est-ce qu’il fout? Aux trois quarts de la montée je cale un peu et je me rassied. Des triathlètes marchent. Tous les coups sont permis. Deux cyclistes de passage se tirent la bourre. Désolé les gars ç’aurait été avec plaisir mais là, vraiment, ça va pas le faire.

En haut je souffle, je revérifie mes calculs, et je me mets en mode tourisme. J’aime bien le vélo mais là j’en ai plein les pattes. Ca ne redescend jamais en plus on dirait. Je me fais beaucoup doubler. Pour l’horaire c’est bon alors je m’inquiète pas. Pas pour moi en tout cas. Je croise le car des supporters. Coincés dans les bouchons. Merci. Vraiment. Longue journée pour vous aussi.

Moi je fais le bilan. Reste Chalvet, reste un marathon. Je décide de pas trop y penser. Evidemment c’est à ce moment qu’on croise les coureurs. Pour certains ça semble facile. Pour d’autres moins, beaucoup moins. Je préfère regarder la route finalement.

Dans Chalvet je crains le pire mais finalement ça va. Je monte lentement mais sûrement. Par contre je m’endors presque. Je croyais pas ça possible. Je dois vraiment être épuisé. Je rêve de coca bien frais et de grasse matinée, demain. D’ailleurs demain n’existe pas. Dans la descente aussi c’est lentement mais sûrement. J’y suis arrivé, à battre ces putains de délais. C’est pas fini mais déjà ça fait plaisir. Je n’ai toujours pas de nouvelles de mon frère. A mon avis c’est mort. J’essaie de m’habituer à l’idée. Bof ça me plait pas trop. On verra bien.

La course

Au parc pas de panique, il me faut deux heures pour le moindre gel mais je suis lucide. Je cherche un peu ma casquette et la sortie et je pars à mon rythme, très lentement. Mes poches sont pleines de trucs que je ne pourrais jamais manger. De quoi nourrir un régiment. Ca ballotte et ça me gène mais je ne fais rien. Pas si lucide que ça finalement. Dans la montée un gars dit que c’est inutile de courir, qu’on gagne pas de temps. Mais moi je veux pas marcher, et d’ailleurs je le double. En haut ça fait 5 kilomètres. Je regarde ma montre. Ca va être long, très long. Mais ça va. Et puis je suis pas vraiment pressé en fait. J’ai eu le coca dont je rêvais mais curieusement c’était pas tout à fait comme dans mon rêve.

On court le long d’une digue, à coté d’une rivière bleue, presque à sec. On croise des triathlètes dans tous leurs états. Au demi-tour une seule chose en tête, croiser Frère. Je crois qu’il est en rouge. Je crois qu’il a une casquette blanche avec un peu de bleu et un short de course. Je crois que c’est lui là bas au fond. D’ailleurs c’est lui. Ca va mieux du coup. Il me dit qu’il va m’expliquer. Il a plutôt intérêt.

Les kilomètres passent lentement. Je ne regarde pas les marques. Du moins j’essaie. Et je ne regarde pas ma montre non plus. J’essaie en tout cas. Je passe le premier tour en souriant. Je sens que ça va être bon. Un barbu et une petite mignonne distribuent des colliers roses. Am stram gram, c’est le barbu qui me passe le mien. Je l’embrasserais presque quand même pour la peine. En plus j’aime bien les colliers qui brillent dans le noir.

Dans la montée ça court vite derrière moi. Très vite. Inutile de jouer à “coucou qui est là”, je sais que c’est toi frangin. Parce que mon frère le vélo il aime pas trop ça mais par contre courir c’est son truc. Heureusement il est sympa il reste avec moi. Il me dit qu’on peut marcher si je veux. Faut dire que vu ma vitesse... Mais bon je veux pas marcher, c’est la règle. Alors on court. Et on cause. Et il me raconte sa journée. Et je l’imagine dans l’Isoard, à fond les manettes contre un horaire qui ne tient pas compte du vent. Je l’imagine au sommet à une minute de l’élimination, heureux mais flippé. Je l’imagine dans Chalvet avec l’énergie du désespoir, et j’imagine sa descente de folie, sans faire attention à rien, avec une seule idée, foncer. J’en tremble rétrospectivement. Il me raconte aussi son arrivée dans le parc, la décision des arbitres et le public qui l’encourage comme un vainqueur, alors qu’il repart le dernier, pour la dernière épreuve. Sa préférée... J’en frissonne.

A deux ça passe plus vite, on se raconte nos journées et les kilomètres défilent. La fin, nocturne, se passe comme dans un rêve. On suit une petite fille qui nous éclaire le chemin dans la nuit, Rob et Jéjé nous accompagnent quelques minutes et nous motivent pour tenir l’ultime délai. On accélère de plus en plus en sentant l’arrivée, ça sert à rien mais ça fait un bien fou. On commence à entendre la foule, puis on la voit. Impressionnant. Les gens s’écartent pour nous laisser passer. C’est magique.

A l’arrivée il y a la photo finish ensemble. A l’arrivée il y a Céline juste derrière la ligne. A l’arrivée j’ai un T-shirt dans les mains mais je ne sais pas du tout qui me l’a donné. A l’arrivée je dois sourire bêtement j’imagine. A l’arrivée je crois qu’on n’a pas eu nos médailles. Je crois qu’on s’en fiche. Je me sens bien.

J’irais bien me coucher maintenant quand même...
Avatar de l’utilisateur
None
Messages : 346
Inscription : 17 sept. 2003 09:23
Localisation : Provins 77

Message non lu par None »

Respect, l'essence même du long....
Avatar de l’utilisateur
coach
Messages : 88
Inscription : 12 juin 2004 15:56
Localisation : Bordeaux
Contact :

Message non lu par coach »

Quel récit, ca fait envie et ca impose le respect.

:sm21:
Triathlète aux cuisses de skieur

Du triathlon pour tout le monde, triathlètes du LD Objectif Triathlon
http://objectif-triathlon.onlinetri.com
Avatar de l’utilisateur
Del-pepe
Messages : 2007
Inscription : 28 déc. 2004 11:40

Message non lu par Del-pepe »

Tu pourrais écrire un livre :D
Avatar de l’utilisateur
coach
Messages : 88
Inscription : 12 juin 2004 15:56
Localisation : Bordeaux
Contact :

Message non lu par coach »

C'est clair qu'il pourrait écrire un livre.

Il faudrait un magazine avec des inteviews comme ca, mais je crois que quelqu'un a déjà soumis l'idée.
Triathlète aux cuisses de skieur

Du triathlon pour tout le monde, triathlètes du LD Objectif Triathlon
http://objectif-triathlon.onlinetri.com
Avatar de l’utilisateur
Del-pepe
Messages : 2007
Inscription : 28 déc. 2004 11:40

Message non lu par Del-pepe »

Et ça va se faire ?
SG
Messages : 677
Inscription : 19 juil. 2004 09:34
Localisation : Alsace, loin de mon sud natal

Message non lu par SG »

Solarberg
Messages : 1194
Inscription : 23 juil. 2005 11:13

Message non lu par Solarberg »

récit du 1er Ironman !

Contexte: cette course, cela fait 5 ans que je l'attends! 5 ans que j'ai regardé Hawai et Nice et me suis mis en tête de faire un Ironman un jour, de réaliser une telle course qui pour moi à tort ou à raison est un mythe! 5 ans de persévérance et enfin 6 mois d'entrainement à haute dose en novice et en faisant plein d'erreurs certainement (blessures à répétition par exemple, trop de vitesse, pas assez d'enchainement vélo/CAP)! et ca y est! Me voila au pied du mur, face à l'obstacle avec une immense envie de m'engouffrer dans cette aventure, dans cet inconnu le plus total! Comment vais-je réagir ? Vais-je tenir? J'ai déjà fait des marathons et des CD mais jamais de longue distance!

La veille de la course: il faut préparer les sacs de transition; je mets des heures et des heures à les faire, alors que mon copain d'entrainement les bouclent en quelques minutes. Je vérifie et revérifie tout et y mets tout ce qui me semble nécessaire. Malheureusement mon expérience est bien faible en la matière. J'anticipe la canicule et le temps le lendemain me donnera raison. Je prévois de changer complètement de tenue entre le vélo et le marathon.

Une petite sortie vélo (toute petite) histoire de faire monter un peu les pulsations et ensuite rasage et dernier gavage aux boissons énergétiques pour finir de remplir les réserves de glycogène.

Le matin: la nuit fut brève, très brève. Il était difficile de trouver le sommeil et encore plus difficile de dormir de peur d'oublier le réveil: la température est très élevé, caniculaire comme annoncé. Finalement je ne dors que trois ou quatre heures au total. Ce n'est pas grave car la nuit de la veille fut longue et réparatrice.

Arrivée au parc à vélo au bord du lac: je vérifie encore une fois mon matériel et enfile la combi. Arrivée au bord du lac, petit moment (puéril) de panique: personne n'est la pour m'aider à fermer la combi ; je demande à un autre concurrent son aide et il s'exécute gentiment. A peine fermé, coup de canon, c'est parti! Aucun problème en natation; je prends vite mon rythme; l'heure de natation s'écoule très vite en fait! Peu habitué à la combinaison, je sens à quel point elle m'aide à mieux flotter et à glisser. Je finis comme un charme et pas fatigué. Je prends mon temps pour la transition. Mon copain d'entrainement finalement me rejoint au parc à vélo: il a nagé moins vite mais s'est changé plus vite! Je pars à vélo un peu avant lui, il me rattrape quelques minutes après et me double facilement. Tchao! Je ne le reverrai pas avant un certain temps!

A vélo, je m'éclate! Je double un autre français qui a l'air désespéré! On échange deux mots ! Il a déja fait Nice me dit-il ! Il a pas l'air d'avoir le moral ! Nous sommes qu'au tout début du vélo pourtant! Moi je m'éclate! Je prends un pied total! Je roule à mon rythme ! Le paysage de la campagne bavaroise est superbe et les deux montées noires de monde sont géniales! Aux abords de la course, les supportrices allemandes sont plus charmantes les unes que les autres en petit maillot avec cette canicule: cela fait passer le temps! Dans le second tour, la fatigue commence à se faire sentir et les derniers trente kilomètres passent vraiment lentement! J'en ai marre d'ètre à vélo! J'ai hâte de poser le vélo et de courir!

Marathon: longue transition la encore! On me passe de la crème solaire ! Je me change complètement et j'attaque avec visière et lunettes de soleil! Je suis dans un monde à part, isolé des autres! Je pars tel un robot pour 42 bornes! Je me suis préparé mentalement: je me dis : allez juste 8 bornes et après on verra! J'évite de visualiser les 42 bornes d'un coup! Il fait une chaleur étouffante surtout à cette heure de la journée! Les graviers blancs renvoient la chaleur à plein en plus! Je me sens ni bien, ni mal! Je suis dans un état second! Je pense à mon pote d'entrainement qui m'a doublé à vélo et doit avoir une bonne avance sur moi! Premier demi-tour! Je le croise! Il n'a pas l'air très bien mais court tout de même! Il doit avoir 3 ou 4 bornes d'avance environ! Cela me motive! Je continue sur le même rythme mais mentalement je suis vraiment bien: je me dis que je vais aller le chercher, le rattraper! Quelques bornes plus loin, au milieu des bois, je m'apercois que je viens de le doubler! Il marche se tenant le ventre! Il me dit de continuer et je file! Je me dis qu'il va courir derrière moi! Cela me motive encore! Puis on entame une longue ligne droite le long du canal! Après les arbres, cette fois, pas un gramme d'ombre! Il fait une chaleur suffoquante! Je commence à vraiment rentrer dans le dur et me concentre au maximum! Au long du canal, je vois un concurrent étendu dans l'herbe! Je crois reconnaitre un allemand que j'ai rencontré l'avant-veille qui s'est dit super rapide et cherchant la qualif pour Hawai. Dommage pour lui! Il ne finira pas la course! Un autre concurrent me double. Il court avec quelqu'un qui n'a pas de dossard et me fait une réflexion en allemand ou anglais (je ne sais plus) sur ma foulée ou ma chaussure! Cela m'énerve prodigieusement et me fout a plat! J'arrive vers le trentième kilomètre et là ma concentration et mes forces faiblissent! Je rentre dans le dur! Je commence à marcher un peu me disant que mon pote d'entrainement va me rejoindre et que l'on va finir ensemble! Ce me ferait plaisir: cela fait six mois que l'on s'entraine ensemble et cela serait tellement cool de passer la ligne ensemble! Je marche, cours un peu, marche, cours un peu et l'attend ! Malheureusement il n'arrive pas! Je continue ainsi, me retournant et le cherchant! Mais rien! Ma concentration faiblit encore plus!

Je continue alternant marche et course! je ne sens plus mes jambes et mes genoux! Finalement je finis les derniers quatre kilomètres à bloc! Je passe la ligne, submergé par l'émotion et le bonheur! A cette dernière ligne droite! Je dois donner l'impression aux spectateurs que je suis en train de gagner la course alors que j'arrive plus de trois heures après le premier! Mais pour moi, c'est pareil! J'ai gagné! Je l'ai fait! Je pleure de joie la ligne franchie, la médaille et le Tshirt en mains! Je croise alors mon copain, effondré! Il n'a pas fini! Pris de crampes d'estomac, il a abandonné juste après que je l'ai passé et à couper au plus près pour rejoindre l'arrivée! et dire que je l'ai attendu! Il vient de sortir de la tente de secours après une perfusion. Je suis sur un nuage! Le rêve est réalisé!! Je suis fatigué mais pas mort (tout du moins pas vraiment) ! Je pars chercher la voiture et les affaires! Je plane! Bonheur intense!

Les jours suivants la course seront beaucoup moins douloureux que prévu: je récupère bien, avec beaucoup moins de douleurs aux jambes qu'après mes marathons! Je regrette de pas avoir fini avec ce pote! L'ambiance s'en ressent un peu sur le trajet du retour puisque nous rentrons ensemble!

J'ai conscience d'avoir réalisé quelque chose d'inoubliable! Encore aujourd'hui de longues années après, le souvenir et les sensations de cette arrivée me reviennent tellement ce moment fut fort! Mélange d'autosatisfaction intense et de sentiment d'un rêve inaccessible accompli! Un sentiment qu'aucune autre course ou épreuve ne m'a donné! C'est sans doute cela la magie de l'Ironman! Un moment inoubliable la ligne franchie! Un moment que l'on ressent une fois un reve inaccessible réalisé, le mythe atteint, l'Everest gravi!
JF
Messages : 2893
Inscription : 17 déc. 2004 17:55
Localisation : au pays des loups
Contact :

Message non lu par JF »

c'etait ou :?: :?: :?:
a+
Solarberg
Messages : 1194
Inscription : 23 juil. 2005 11:13

Message non lu par Solarberg »

JF a écrit :c'etait ou :?: :?: :?:
a+
Roth!
JF
Messages : 2893
Inscription : 17 déc. 2004 17:55
Localisation : au pays des loups
Contact :

Message non lu par JF »

Solarberg a écrit :
JF a écrit :c'etait ou :?: :?: :?:
a+
Roth!
C4EST CE QUE JE PENSAIS MAIS ROTH JE CROYAIS que çà se nageait dans un canal alors que tu parles d'un lac :?: :?:
a+
Avatar de l’utilisateur
Fironman
Messages : 1333
Inscription : 11 janv. 2004 15:09
Localisation : Petit-Roeulx-Lez-Braine
Contact :

Message non lu par Fironman »

Sherborne 2005 : pour ceux que ça intéresse ! :wink:
Nice 01, 02 IM France 02, 07 IM Germany 02 IM Lanzarote 03, 05, 08
Chall. Roth 04, 06, 08, 09 IM Austria 03 Tri Almere 03 IM Florida 03
IM Switzerland 04 IM UK 05 IM Arizona 05, 06 IM Wisconsin 08 Chall. Barcelona 10 IM Hawaii 2006
Augustin
Messages : 353
Inscription : 03 janv. 2005 16:26
Localisation : Guermantes

recits

Message non lu par Augustin »

Fironman a écrit :Sherborne 2005 : pour ceux que ça intéresse ! :wink:
Ah....c'est qu'il était attendu ce récit :-) merci Christophe pour toujours nous faire vivre tes courses "de l'intérieur"
Tu as une sacrée base de récits pour ceux qui préparent des IM, ton site est un passage obligé! :wink:
Et c'est lequel ton prochain???
Je dis ce que je pense et je fais ce que je dis: L'IM une fois que l'on y a goûté...
Répondre