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Procès pot belge : naufrage de sportifs ou dérives du sport ? (PAPIER D'ANGLE)
Par Philippe BERNES-LASSERRE
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BORDEAUX, 22 juin 2006 (AFP) - Le procès à Bordeaux du trafic du " pot belge " a illustré les dérives persistantes dans le milieu du cyclisme, pas forcément de haut niveau, avec un défilé de " gueules cassées " du vélo échouées entre dopage, dépendance toxicomaniaque et trafic.
Cet échantillon de détresses para-sportives, entre l'ex-amateur qui veut relancer à 38 ans une futile carrière, l'ancien pro qui déprime coupé du milieu, a aussi souligné une vulnérabilité liée au sport intensif, celle du sevrage post-carrière, moment à risque.
" Encore une fois un procès du vélo! " : l'avocat de la Fédération française de cyclisme exprimait " lassitude et agacement " au procès, venant après ceux de Perpignan, Rennes (2003), Reims (2002), Poitiers (2001), et mêlant, là encore, ex-pros, semi-pros et amateurs plus ou moins obscurs.
Me Paul Mauriac voyait un " progrès indéniable " dans la procédure rapide (17 mois). Mais il jugeait " lourd de retrouver, de façon constante, des comportements dont on se demande comment on pourra les endiguer ".
" Si dans l'esprit de beaucoup de gens le sport c'est la santé, ceux qui auront assisté à l'audience auront du mal à y croire, a résumé le procureur.
Qu'a jugé le tribunal ? Des " gueules cassées du vélo arrivées au bout du voyage, produits d'un système qui n'a plus rien à voir avec le sport ", comme l'a suggéré l'avocat de l'ex-pro Laurent Roux ? Ou plutôt un vice inhérent au sport intensif, facteur de vulnérabilités qu'il faudra bien un jour assumer ?
C'est l'avis du Dr. Serge Simon, ex-rugbyman de haut niveau, coordinateur à Bordeaux d'un Centre d'Accompagnement et de Prévention du Sportif, dont l'équipe tente depuis 2001 de prévenir et traiter ces "vraies pathologies".
" Il y a une forte résistance culturelle, mais nous essayons d'enfoncer une évidence : le sport induit des vulnérabilités ", explique Simon, en tout cas pour le sport intensif : des vulnérabilités physiologiques, psychologiques, des troubles anxieux, de dépendance, à des produits ou à la pratique elle-même ".
Le frustrant autour de ce type de procès, " c'est qu'on se limite à voir chez ces coureurs des "tricheurs", des "sales mecs" qui ont enfreint un règlement sportif, ou des justiciables ", dit-il.
Tricheur mais aussi toxico : ainsi se voit Laurent Scarano, un des prévenus qui, à 38 ans, plongea dans le pot belge, pour relancer une deuxième carrière sur le circuit amateur vétéran. " Pour être reconnu par ses pairs, par un peu tout le monde localement ". Jusqu'à devenir dépendant de 12 ml d'injections par jour, violenter sa compagne, perdre 15 kg, tenter de se suicider...
Tricheur, dépressif et toxico : Roux, qui sombra faute de digérer sa carrière pro interrompue (pour contrôles positifs). " Cela (le pot belge) devint une drogue. Mais cela ne me faisait pas oublier mon manque de vélo..."
Pour Simon, la fin de carrière est " une période de grande vulnérabilité, avec une crise identitaire, une première "mort sociale". Et il y a cumul de facteurs de risques ", s'il y a eu au préalable consommation de produits entraînant une dépendance.
" Mais le dopage est tabou, explosif, l'approche du sport reste très morale, et empêche de parler de pathologie ", déplore-t-il. D'où " des grands écarts médiatiques entre d'un côté des champions fabuleux, et de l'autre Marco Pantani retrouvé dans un hôtel borgne bourré d'antidépresseurs, de stimulants, de cocaïne... Le sport n'arrive pas à gérer ces grands écarts".
pbl-hj/sw/cd
AFP 221140 JUN 06
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