http://www.lesechos.fr/info/service/020 ... -offre.htm
Les fédérations gagneraient à élargir leur offre
[ 30/10/09 ]
Selon 150 experts interrogés par TNS Sport, Ineum et Audencia, le système fédéral français ne répond pas à la demande des nouveaux sportifs, qui préfèrent le bien-être à la compétition. Un frein au développement du marché.
Les fédérations sportives françaises, qui sont censées encadrer la pratique sportive dans l'Hexagone, sont-elles débordées par de nouvelles activités ? Le sujet a été abordé en mars 2008 par l'universitaire Alain Loret dans son livre « Le Sport de la République » (Editions du Temps). Une enquête menée par l'institut TNS Sport, la société de conseil Ineum et l'école de commerce nantaise Audiencia le relance. Dans son ouvrage, Alain Loret rappelle que « le sport fit partie de ces administrations profondément réformées par le pouvoir gaulliste » en 1958 avec un objectif : « créer un sport olympique d'Etat. » En d'autres termes, gagner des médailles dans les compétitions mondiales et, d'abord, aux jeux Olympiques. Les fédérations bénéficient d'ailleurs d'une délégation de service public. « Cette conception très politique du sport s'est heurtée dans les années 1990 au développement exponentiel d'une industrie des biens et des services issue d'une transformation aussi brutale qu'inattendue de la “demande sociale de sport” »,écrit le directeur de la faculté des sciences du sport de Rouen. « Une évolution est apparue : au geste mesuré pour produire un résultat, un score, un classement s'est substitué un mouvement vécu pour produire des sensations, ou, plus prosaïquement, pour améliorer sa forme. Face à cette transformation de la demande sociale, l'offre des pouvoirs publics indexée sur les disciplines olympiques n'a pas évolué », poursuit-il.
L'étude « Le temps libre des Français dédié au sport » fait le même constat. Les 150 professionnels du sport (représentants des médias, des détenteurs de droits, des fédérations elles-mêmes, des clubs, des entreprises, etc.) interrogés estiment à 52,6 % que « l'offre des clubs associatifs traditionnels n'est pas ou pas du tout adaptée aux attentes des populations » (voir ci-contre). « Il est nécessaire de développer de nouveaux produits, des licences loisirs, par exemple, pour toucher les pratiquants “hors cadre”. Des licences modulables et non annuelles donneraient la possibilité à de multiples personnes de découvrir un sport », notent les auteurs. En clair : la logique des fédérations, qui consiste à proposer à un sportif de s'inscrire dans un club, de prendre une licence et de participer aux compétitions organisées, serait à revoir.
Des conséquences économiques
A l'appui de cette démonstration, l'enquête fournit des chiffres éloquents. D'après la base de données SIMM de TNS Sport qui interroge chaque année 16.000 individus, parmi les 23,5 millions de Français qui déclarent pratiquer un sport, 59 % pratiquent « de façon individuelle », contre 47 % « en club ou association » et seuls 7 % participent à des « compétitions officielles ». Autre indication : ils ne sont que 30 % à pratiquer un sport collectif, contre 92 % un sport dit « d'entretien et de détente ». Logiquement, la natation, la randonnée et le vélo arrivent en tête des disciplines pratiquées et la bicyclette au premier rang des équipements les plus massivement possédés (58 %). Et les sportifs les plus réguliers sont les jeunes de quinze à vingt-quatre ans, le coeur de la population des clubs, mais aussi les CSP +, c'est-à-dire les catégories socioprofessionnelles les plus élevées dans lesquelles se recrutent ceux qui louent un cours de tennis à l'heure ou achètent un « green fee » de golf. Dans le même ordre d'idées, les experts sollicités considèrent que la hausse des pratiques « libres » et des sports de pleine nature constitue une « tendance lourde » (80 %) et « durable »(90,4 %).
« Nous sommes dans la société du temps libre », commente Vincent Chaudel, responsable du département sport d'Ineum Consulting. « Globalement, nous travaillons de moins en moins. C'est une opportunité pour le sport. La question est de savoir si le monde du sport la saisit bien. » Et de poursuivre :« Le mouvement sportif est face à la nécessité de retravailler son offre, en tenant compte du sport loisirs, du développement de la pratique des femmes comme des seniors qui, on le sait, seront de plus en plus nombreux. Le modèle fédéral, qui est construit sur la compétition et une pyramide qui va des clubs à l'élite de la fédération en passant par les districts départementaux et les ligues régionales, est figé. Notamment parce que ceux qui le dirigent et l'animent sont issus de ce système ancien. »
Pour Bruno Lalande, directeur de TNS Sport, ce décalage entre l'offre et la demande a des conséquences économiques importantes. Selon lui, le développement de la pratique a un effet immédiat sur le marché français du sport que les dernières données du secrétariat d'Etat aux Sports (datant de 2006 !) chiffrent à 31,7 milliards d'euros, soit 1,8 % du PIB et 300.000 emplois. « Si l'on a 1 % de pratiquants en plus, cela représente 500.000 personnes. Si chacune achète ne serait qu'une paire de baskets à un prix médian de 50 euros, cela représenterait déjà 25 millions d'euros de plus. » « Si les fédérations parvenaient à prendre en compte les pratiques nouvelles, elles pourraientelles aussi développer leur chiffre d'affaires, ce qui peut être utile en cette période de diminution des financements publics », poursuit l'homme d'études, qui évoque également le bénéfice apporté en matière de santé publique.
Impliquer la sphère privée
Al'appui de ces affirmations, les deux hommes citent l'avis des experts interrogés dans leur étude, qui sont 72 % à considérer que la sphère privée n'est pas assez importante dans le sport. Une sphère privée entendue « hors ménages », qui comprend les investissements des entreprises, sous forme de sponsoring par exemple. « La sphère privée s'implique à l'heure actuelle à hauteur de 10 % dans le financement du sport en France. Il semble que dans la culture française, la notion de respect des valeurs du sport soit difficilement conciliable avec une implication plus importante de la sphère privée », notent les auteurs de l'enquête. Pourtant, poursuivent-ils en substance, les financements publics ont tendance à diminuer et le recours aux partenariats est de plus en plus nécessaire. « De ce point de vue , ajoute Vincent Chaudel, on peut imaginer une mutualisation des moyens de certaines fédérations ou collectivités. La ville de Bruxelles, par exemple, a créé une division grands événements chargée de chercher des partenaires privés pour les événements sportifs ou culturels qu'elle organise. »
Globalement, il s'agirait de créer un cercle vertueux. Les acteurs privés feraient cause commune avec le secteur public (Etat, fédérations) pour doper globalement la consommation du sport en « s'accaparant » mieux la réussite du sport français de haut niveau. En bref : une meilleure coopération public-privé, notamment sur le plan de la communication, donnerait le goût du sport et favoriserait par ricochet les dépenses marchandes liées à cette activité. « En partant de ce constat, le modèle de communication des institutions fédérales est à adapter », note l'étude.
La meilleure preuve de l'utilité de cette nouvelle forme d'union sacrée serait que la bonne tenue de la consommation en produits sportifs divers entraînerait une croissance modérée, mais réelle, du marché. Malgré la crise.
« Les fédérations sont des mines d'or sous-exploitées qui commencent seulement à intégrer la notion d'offre de services auprès de leurs licenciés et de leurs pratiquants-clients. Les fédérations ne sont pas trop touchées par la crise sur le plan du nombre de pratiquants, mais […] elles doivent s'adapter en offrant de nouveaux produits notamment en développant des services d'aide à la pratique hors cadre », concluent les auteurs de l'enquête.
PHILIPPE B ERTRA ND, Les Echos
DENIS MASSEGLIA PRESIDENT DU COMITE NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANCAIS
« Les clubs sont prêts à accueillir toutes les formes de pratiques »
[ 30/10/09 ]
En tant que président de la structure de tête du mouvement sportif français, pensez-vous qu'il y a vraiment un décalage entre l'offre des fédérations et les nouvelles pratiques des Français ?
La sensibilisation à la pratique sportive est l'un des devoirs du CNOSF (Comité national olympique et sportif français, NDLR). Plus il y a de gens qui pratiquent une activité sportive, mieux ce sera, notamment pour l'épanouissement personnel et la santé. J'ai le plus grand respect pour ceux qui pratiquent de façon individuelle, notamment pour des questions d'emploi du temps. C'est aussi mon cas. Je cours soit tôt le matin, soit après 19 heures. Mais le décalage évoqué par les experts n'est pas conforme à la réalité.
Aujourd'hui, la plupart des clubs ont compris qu'il fallait accueillir des pratiquants qui ne sont pas attirés par la compétition pure et se sont dotés de structures adéquates. Le mouvement sportif compte 16 millions de licenciés, un chiffre en croissance. Le club, c'est l'encadrement, le lien social avec d'autres, dans l'idéal une seconde famille. Il faut que les gens qui sont plus attirés par des problématiques de bien-être ou de santé y soient accueillis.
Selon vous, le rôle premier d'une fédération est-il de produire des champions ou de développer la pratique ?
Les deux. Je ne crois pas qu'il faille séparer le sport de masse et l'élite. Les fédérations et les clubs doivent offrir la possibilité à chacun de pratiquer à son niveau. J'observe que même dans les nouveaux sports, les sports de glisse par exemple, dont les pratiquants sont culturellement hostiles à toute forme d'encadrement, on en revient à des structures de type fédéral lorsqu'il s'agit de codifier les pratiques.
D'où vient alors la perception que les dirigeants des fédérations se préoccupent plus des équipes nationales que du licencié de base ?
C'est un problème de communication. Les grands événements, ceux qui engendrent des performances remarquables, sont les plus médiatisés. A l'inverse, le système fédéral ne fait pas assez connaître la variété de son offre pour le grand public. Je vais d'ailleurs prendre des initiatives pour aller contre certaines idées reçues. Je souhaiterais qu'il y ait un grand événement, une journée dédiée au sport pour tous, au sport plaisir, qui rassemble des millions de gens. Il faut dire, aussi, que certains ont intérêt à décrier le modèle français d'organisation du sport. La pratique de masse pèse économiquement sept à huit fois plus lourd que le sport de haut niveau. C'est un marché convoité par des intérêts privés dont les tarifs sont sans commune mesure avec ceux du mouvement associatif et qui ont beau jeu de dénigrer ce dernier. Mais je reconnais que le mouvement sportif doit faire plus pour souligner son rôle social global. Le développement de la pratique, ou des pratiques, est un intérêt commun aux fédérations, à l'Etat, aux collectivités comme aux entreprises, ne serait-ce que pour des questions de santé publique.
PROPOS RECUEILLIS PAR P. B., Les Echos
L'Assemblée met fin à certains avantages fiscaux des sportifs
[ 29/10/09 - 20H48 - AFP ]
© AFP - Franck Fife
L'Assemblée nationale a décidé jeudi de mettre fin à certains avantages fiscaux des sportifs professionnels, au premier rang desquels les footballeurs, au grand dam des députés UMP anciens sportifs comme David Douillet et Jean-François Lamour.
Un amendement d'Yves Bur (UMP), finalement soutenu par les ministres Roselyne Bachelot (Santé) et Eric Woerth (Budget), a été adopté par 91 voix contre 22 lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2010.
Concrètement, la mesure annule au 31 décembre 2009 des exonérations fiscales liées au "droit à l'image collectif" (DIC) des sportifs, un dispositif voté en 2004 et censé disparaître en 2012.
L'objectif de ces exonérations était "d'accroître l'attractivité des clubs auprès des meilleurs sportifs qui pourraient être tentés de partir à l'étranger", a souligné Mme Bachelot. Or, selon elle, "il n'a pas empêché les départs massifs vers l'étranger des joueurs de Ligue 1".
Une déclaration en totale contradiction avec celle de sa secrétaire d'Etat, Rama Yade, qui estimait un peu plus tôt dans un communiqué que "le DIC a démontré son efficacité, puisqu'il a permis de retenir ou de faire revenir certains joueurs professionnels comme Sébastien Chabal ou Yoann Gourcuff".
Plusieurs députés UMP ont d'ailleurs incité Mme Bachelot à suivre la voie de Mme Yade et dénoncé cette remise en cause, en particulier les anciens champions olympiques Jean-François Lamour et David Douillet, tout juste élu dans les Yvelines.
"C'est un dispositif qui rend plus compétitifs les clubs. Il se termine en 2012, laissons-le se terminer" à cette date, a plaidé en vain M. Lamour.
Pour sa part, M. Douillet a assuré que "ce sont les clubs qui vont être pénalisés" par cette suppression.
Leur collègue UMP Dominique Tian s'opposait également à la suppression anticipée du dispositif, considérant qu'elle génèrerait une "instabilité juridique consternante".
"Les joueurs professionnels français ne sont pas particulièrement désavantagés par rapport aux autres joueurs européens", a néanmoins insisté Yves Bur, appelant à "mettre fin à un dispositif que les Français ne comprennent plus".
"Nous pouvons accepter des rémunérations parfois un peu incompréhensibles. Mais nous traversons une crise et il s'agit de savoir si l'ensemble de la Nation, l'ensemble de ceux qui ont des revenus importants, contribuent à l'effort nécessaire pour garantir à la pérennité et la durabilité de notre système de Sécurité sociale", a abondé la socialiste Marisol Touraine.
La semaine dernière, dans le cadre de l'examen du budget de l'Etat, l'Assemblée avait en revanche renoncé à supprimer d'autres avantages fiscaux des sportifs, tout en promettant de revenir à la charge... plus tard.
Ils avaient pourtant décidé, quelques jours plus tôt en commission, de réserver aux seuls amateurs un avantage fiscal qui permet aux sportifs de payer moins d'impôts en lissant leur revenu sur trois ou cinq ans.
"Nous remettrons sur l'ouvrage des avantages fiscaux liés à l'impatriation -c'est-à-dire quand les sportifs viennent de l'étranger- à l'occasion du collectif budgétaire. Tout cela coûte cher aux contribuables français. Il faut introduire un peu de raison là-dedans", a réaffirmé jeudi l'auteur de l'amendement, Marc Le Fur (UMP).