Norseman: le plus beau triathlon du monde.

[champignac]

De retour après un superbe séjour en Norvège, je ne résiste pas à l'envie de vous communiquer mon comte-rendu sur ce qui à ce jour était (de loin) mon expérience la plus intense en triathlon: le Norseman.
Je profite au passage pour remercier Romuald Lepers qui m'a envoyé quelques informations à ce sujet il y a plus ou moins un an à ce sujet. des informations qui m'ont décidé à m'inscrire à cette course pas comme les autres.

Au pays des aveugles, le borgne est roi. On croit avoir fait le tour de la question, participé aux triathlons mythiques tels qu’Hawaii ou Embrun, avoir sillonné Lanzarote, l’île aux triathlètes par excellence, on n’est jamais à l’abri d’une surprise. Celle-ci fût de taille! Avant de faire mes valises pour la Norvège, j’étais convaincu que ce Norseman serait mon dernier triathlon. Après 10 ans dans ce sport, je commençais primo à saturer et secundo observer d’un oeil plutôt sceptique le développement ultra-commercial du label au M pointé sous la houlette des Ricains du WTC. L’esprit du triathlon (enfin celui auquel j’adhère) c’est lentement noyé dans la masse, une masse de plus en plus dominée par des énergumènes qui à coup de dollars ou d’euros tentent d’épater la galerie par leur matériel dernier cri plus que par leurs performances. Même si à un moment j’ai été emporté par cette pseudo religion qui vous pousse à accumuler les résultats anonymes sur les labels Ironman, j’ai toujours eu une compagne lucide à mes côtés pour garder mes pieds sur terre. Ce qui explique la démarche à rechercher l’essence de ce sport : ce faire plaisir en profitant d’un beau cadre sans se prendre la tête. En participant au Norseman, j’ai redécouvert ce que le triathlon est et aurait toujours dû être. À part un T-shirt noir ou blanc, il n’y a rien à gagner. Chaque personne qui finit la course a droit aux mêmes égards. Il n’y a même pas de trophée ou quoi que ce soit pour les 3 premiers. La première surprise a été la découverte de la Norvège. Oubliez le cliché de la Scandinavie comme contrée froide, pluvieuse et grise. Nous avons découvert une Norvège haute en couleurs, et par ses habitants et par sa nature parsemée de fjords, montagnes, lacs et forêts. Un pays merveilleux, comparable à l’univers imaginaire qu’on peut retrouver dans la saga du Seigneur des Anneaux. La seconde surprise a été la découverte du parcours. Je m’étais dit que ça ne pouvait pas être pire qu’Embrun. Au long de mon épreuve, j’ai pu découvrir qu’Embrun n’était qu’un prélude. Un concurrent expérimenté l’a résumé ainsi :
« Lanzarote, housewives do it. Embrun, Inferno, Altriman: mom and pop events. Kona, sure it’s hard to get into, but then what’s hard about it? Not getting the little umbrella in your drink? I’ll tell you what’s hard, Norseman is hard. »

La description du parcours illustrera ce mot.

1) La natation
Réveil à 2H30 dans notre camping-car parqué à 2 Km du lieu de départ. Après quelques bonnes crêpes préparées la veille, nous nous rendons au débarcadère d’Edfjord, lieu de départ de ce Norseman 2010. Le départ ce fait à 3km800 au large. Un ferry nous y mène dès 4h du matin pour un départ une heure plus tard. Nous ne sommes que 250 concurrents et le départ ce fait sur presque toute la largeur du fjord. Autant dire que le boxon propre aux autres Ironman, on ne le retrouve pas ici. Les petits groupes se forment quasi naturellement et j’ai le plaisir d’enfin pouvoir nager à mon rythme dès le départ dans un décor majestueux et suivi (on ne le saura que le lendemain) de 3 baleines-pilote, probablement curieuses de voir quels sont ces humains, d’une lenteur exécrable en plus, à s’ébrouer pour regagner la côte. 58 minutes plus tard, le courant n’aidant pas à la performance, nous sommes 5 triathlètes ex-aequo à regagner la terre ferme après 2 spécialistes de la nage en eau libre (le champion de Norvège du 10km et le vainqueur du Norseman 2009 Tom Renman). La transition est fastidieuse : non seulement il faut se protéger du froid (manchettes, vareuse etc.) en plus il faut enfiler un gilet fluorescent car nous devons traverser des tunnels routiers pendant la première ascension.

2) Le vélo
Le parcours vélo est tout simplement magnifique du premier au 180ème Km. On a d’abord droit à 6km plats pour sortir du village d’Edfjord avant de s’attaquer à la première et principale difficulté du jour : la montée vers Dynarut, soit de 0 à 1250m d’altitude en 40km. Les meilleurs mettent 1H30, j’aurai besoin de 1H45. Dynarut est également le premier lieu de ravitaillement et c’est une des particularités du Norseman ; les ravitaillements sont assurés par les proches du triathlètes et non par l’organisation. Eux ne ravitaillent qu’à partir du 25ème Km du marathon. On a donc le temps de voir venir.
J’endosse à Dynarut un bon coupe-vent car les 60 Km qui suivent sont une succession de bosses qui nous mènent à Geilo. Quand les conditions sont idéales, on a le vent dans le dos et c’est donc la partie la plus rapide. Manque de chance, cette année on a le vent... de face. Le vent est modéré du sud-est et le parcours vélo nous mène... au sud-est. Il ne faut donc pas s’étonner des performances plutôt modestes de l’ensemble des concurrents. Mais si les conditions sont difficiles, le cadre est tout simplement époustouflant (et déjà qu’il faut gérer sa respiration) avec sur la droite le parc national du Hardangervidda, un plateau connu pour les conditions climatiques rigoureuses qui y règnent, -les explorateurs des pôles viennent s’y entraîner – et sur la gauche le glacier de Hardanger Jokullen, un des rares glaciers à ne pas se réduire en ses temps de réchauffement climatique.
Après Geilo, le parcours descend droit vers le sud dans une succession de 4 cols entre 4 et 7km et 6 à 10% de moyenne. Finalement, le parcours est moins ardu qu’Embrun par la dénivelée, mais nettement plus par la gestion des différences de températures (entre 6° et 20°) et le vent. La seconde transition ce fait également au bord d’un fjord, le Tinnsjofjord.

3) Le marathon
On aborde là ce qui rend ce Norseman différent de tout autre triathlon. Bien que les premiers 25km soient très roulants –1H52, je n’en revenais pas- ensuite ça monte, et comment ! 17km pour passer de +/-100 à 1850m au sommet du Gaustatoppen. Jusqu’au 37ème Km le parcours ressemble à un col alpin, on y alterne la marche rapide et trottinements (si le niveau d’énergie s’y prête encore), ensuite je m’attendais à un petit chemin de montagne, ce fut bien pire. 5km d’escalade sur un amas de cailloux glissants et instables ; il fallait garder toute sa lucidité pour arriver à bon port. Autre particularité de la course : on ne peut parcourir ces derniers Km seul, il faut être accompagné. Mon épouse m’a donc rejoint pour cette course en montagne. Déjà qu’on vit intensément les derniers kilomètres d’un Ironman, quand on peut les courir avec la personne qui domine votre vie, les sensations sont décuplées. L’arrivée est alors d’autant plus grandiose car partagée ! On atteint le sommet de la montagne, vidé de toute énergie, accueilli par quelques applaudissements feutrés car les mains sont gantées. Mais c’est comme si toutes les montagnes environnantes se réjouissent de cette course un peu folle.

4) Conclusion
Si vous aimez les évènements de masse accompagnés d’un grand show, n’y allez pas.
Si vous craignez le froid, n’y allez pas.
Si vous recherchez un chrono, n’y allez pas.
Si vous aimez vous faire plaisir en faisant du sport à votre rythme dans une nature d’une beauté exceptionnelle, foncez !

[cédric hailé]

[Frank]

Merci pour ce témoignage qui prône des valeurs que beaucoup trouveront désuètes ou naîves, mais auquelles j'adhère à 100%: courir moins, mais se faire plaisir à chaque fois dans la simplicité... en rajoutant le dépaysement!

[max1383]

Wouah

[ufoot]

Excellent, merci pour ce CR, j'ai entendu parler du Norseman aux 6j d'Antibes, et c'est vrai que ça a l'air pas mal du tout. J'avoue que le coup de l'accompagnement sur la fin ça me refroidit un peu, faut trouver quelqu'un, tout ça tout ça. Mais bon clairement cette course a l'air bien atypique, encore merci d'avoir partagé ton expérience.

A+

ufoot.

[DJJJJJ]

l'accompagnement sur la fin ça me refroidit un peu, faut trouver quelqu'un, tout ça tout ça.

Pas que sur la fin. Il faut en permanence une personne logistique capable de communiquer avec l'organisation (in english, of course...).
Perso j'ai déjà lu les consignes de l'organisation. C'est un début non ?

Merci Champignac pour ce petit récit, et bravo

[aurelie.218]

Wahhh ça donne envie
Pour l'accompagnement: je peux comprendre que l'orga veuille qu'on ait quelqu'un pour les ravitos/logistique/contact....
Mais: pourquoi faut-il quelqu'un sur les 5 derniers kils de la càp??

[Pat76]

Et si l'accompagnateur se blesse ? il faut prévoir un accompagnateur de l'accompagnateur ?

Bravo en tout cas, quelques photos pour agrémenter ton récits aurait été sympa

[ironturtle]

Parce que tu es seul dans la montagne parfois dans un brouillard à couper au couteau. Sécurité!!
Cette course me fait rêver depuis des années mais se pose le problème de l'accompagnateur.
Er quel beau pays que la Norvège!

[tom06]

Je rajouterais quand même: le coup de la scandinavie gris et pluvieux, désolé mais c'est vrai, c'est quand même du temps de merde 90% de l'année (j'ai passé 3 ans en Norvège, je sais de quoi je parle!)
Je suis monté 2 fois au Gaustatoppen, ça fait quand même pas mal de dénivelé pour un marathon sur la fin il y a plus de sentier et c'est un gros tas de pierre à escalader: ça ressemble plutôt à un trail! et surtout ça te laisse peu de possibilité pour abandonner ... do it or do not
Superbe épreuve le norseman, dommage je faisais pas de triathlon quand j'habitais là-haut! depuis que je suis rentré en France il y a 3 ans, très très grosse motive pour les sports d'endurance: cette année j'ai fait le LD de l'alpe d'huez et embrunman pour ma première saison de tri! je peux te dire que le climat du sud de la France y est pour quelque chose ...

[marcel le chameau]

bravo pour le récit et pour l'exploit. Il faut se qualifier ou tout le monde peut s'inscrire ?
Un autre triathlon que je peux te recommander c'est le www.inferno.ch qui s'est déroulé le WE dernier en Suisse. C'est grandiose, paysages splendides et beaucoup beaucoup de dénivelé !! ai fini dernier, tout en haut du Schilthorn a 3000 m, quel bonheur.

[tritof]

Joli récit effectivement.....j ai un pote qui a fait cette course au tout début de son existence et je peux te dire qu'il n'a pas eu mais vraiment pas eu les mêmes conditions météo , c'était franchement une horreur les 2 années ou il y est allé!!!
Par contre moi je veux bien le retour aux sources et la simplicité mais j'estime que pour 250 euros d'inscription tu peux quand même avoir droit a des ravitos.....c'est la moindre des chose...
Pareil a l'heure ou on nous fait chier avec le développement durable ,la bas on oblige les concurrents a avoir une assistance auto tout le long des 180bornes de vélo!!!!.....sous ses airs de simplicité c'est finalement une course très élitiste .....je parle du porte monnaie bien entendu

[IronPion]

Un seul mot : Merci !

[Bryce]

Déjà qu’on vit intensément les derniers kilomètres d’un Ironman, quand on peut les courir avec la personne qui domine votre vie, les sensations sont décuplées. L’arrivée est alors d’autant plus grandiose car partagée ! On atteint le sommet de la montagne, vidé de toute énergie, accueilli par quelques applaudissements feutrés car les mains sont gantées. Mais c’est comme si toutes les montagnes environnantes se réjouissent de cette course un peu folle.

Tres jolie conclusion, ça donne envie

[Odin]

bravo pour le récit et pour l'exploit. Il faut se qualifier ou tout le monde peut s'inscrire ?
Un autre triathlon que je peux te recommander c'est le http://www.inferno.ch qui s'est déroulé le WE dernier en Suisse. C'est grandiose, paysages splendides et beaucoup beaucoup de dénivelé !! ai fini dernier, tout en haut du Schilthorn a 3000 m, quel bonheur.

Salut

Je viens de voir le site inferno.ch, impressionnant aussi.
Plusieurs questions:
=> Comment se passe la logistique (Vélo route / VTT)
=> La descente suite au marathon se passe comment?
=>
Si tu as un petit CR, je suis preneur.
Sportivement