Et maintenant ?
Passée la déception de l’attribution des Jeux de 2012 à Londres, Paris doit aujourd’hui se relever et s’interroger. Après trois échecs en quelques années, pourquoi le message français ne passe pas auprès du CIO ? La capitale française peut-elle espérer avoir les JO dans un futur proche ?
Par Emmanuel Quintin
1992, 2008, 2012. Pour la troisième fois en moins de vingt ans, Paris a perdu la course olympique. Après Barcelone en 1992, Pékin en 2008, c’est Londres qui sera la ville hôte des JO 2012. Si les raisons de cet échec sont multiples et ont été - et seront encore dans les prochains jours - analysées pendant toute la journée de mercredi, ce nouveau revers pose une autre question : le CIO veut-il interdire Paris de Jeux ? Derrière cette interrogation, pointe déjà un autre problème : après deux échecs consécutifs, Paris doit-il présenter une nouvelle candidature dans un futur proche ?
Comprendre le fonctionnement du CIO
«Le CIO reste un aéropage, une institution très difficile à convaincre», déclarait Jean-Paul Huchon mercredi depuis Singapour. Encore abasourdi par le résultat du vote final des membres du CIO, le président de la région Ile-de-France, comme tous les membres de la délégation française, ne comprenait pas la logique de l’institution olympique. «Le CIO, en tant qu’institution, ne fonctionne pas selon une logique de blocs. Chacun d’entre eux est une personnalité spécifique. Au moment du vote, il se détermine selon ses critères propres: intérêt pour le sport, culture, qualité de l’accueil… », tentait d’expliquer Armand de Rendinger, directeur de la promotion internationale du projet Paris 2012. Membre du CIO, et participant au vote de mercredi, le prince Albert de Monaco confiait même en coulisses que certains membres du CIO ne lisaient pas le rapport d’évaluation du comité exécutif concernant chacune des villes candidates. En débarquant à Singapour avec la seule qualité de son dossier comme étendard, la délégation de Paris faisait donc visiblement fausse route.
Paris pas assez glamour
De leur côté, les membres du comité de candidature de Londres avaient bien compris comment séduire le CIO. Discuter, rencontrer, faire parler, occuper le terrain médiatique. Le dossier londonien n’était peut-être pas le meilleur mais il était le plus visible. L’intense et agressive campagne de lobbying de ces derniers mois et la visite de Tony Blair pendant deux jours à Singapour avaient parfaitement préparé le terrain. La prestation de Sebastian Coe, président de la candidature anglaise, lors du grand oral de Londres a fait le reste. «J’ai senti qu’il avait réussi à totalement captiver son auditoire, les membres du CIO étaient sous le charme», glissait Henri Sérandour, président du Comité olympique français, peu après le passage des Londoniens devant les membres du CIO. A la discrétion parisienne, Londres a répondu par le marketing, une présence médiatique de tous les instants, du lobbying et de la séduction. Et c’est visiblement ce qu’aiment les membres du CIO. Les Jeux ne sont plus une sympathique compétition entre amateurs, ils sont devenus un show. Et dans ce domaine, les Britanniques sont plus forts que nous.
Que faire de cet élan ?
Du coup, Paris se retrouve désormais face à un grand vide et une question: que faire de cet élan, de cette énergie déployée depuis des mois ? Apparemment, se porter à nouveau candidat à l’organisation des JO n‘est pas la solution. «Ce que tout cela a représenté dans la France entière, cette mobilisation immense, l’effort consenti qui est allé beaucoup plus loin qu’en 2001, m’incite à dire qu’on a épuisé ce qu’on est capable de mettre en place. Alors, franchement, repartir pour 2016 me paraît très aléatoire. Je ne le sens pas», déclare Jean-François Lamour, le ministre des Sports. Sur le coup de la déception et peut-être d’un peu de colère, l’ancien champion olympique de sabre avait même affirmé à Jacques Rogge, venu le réconforter sitôt le résultat connu : «On n’est pas prêt de nous voir revenir. Dorénavant, nous, on regardera ça devant la télé.» Pour 2016, de toute façon, la cause semble entendue, Paris n’a aucune chance. Selon la règle implicite de l’alternance, après Londres, les Jeux ne devraient pas revenir en Europe. Eliminée au deuxième tour mercredi, New York pourrait se porter candidate. Quelques soient ses adversaires, «Big Apple» ferait figure de grande favorite, d’autant qu’elle pourra compter sur les votes britanniques et le soutien de l’ensemble des médias américains (NBC, détenteur des droits de retransmission des Jeux depuis 2000, en tête). Mais pour après 2016 ?
Des installation quand même construites
Au sein de l’équipe qui portait ce projet de Paris 2012, personne n’a encore évoqué la possibilité, même lointaine, de se représenter devant le CIO. En revanche, tous sont unanimes, il faut se servir de cette défaite pour faire progresser le sport en France. «On ne peut pas rayer d’une ouverture d’enveloppe deux ans et demi - et même plus avec les candidatures précédentes - de ce que j’ai appelé quelque chose d’unique. Les Français qui nous ont soutenus et accompagnés n’accepteraient pas que nous tournions la page», prévenait Jean-François Lamour. Dans son discours de remerciement à tous ceux qui avaient porté la candidature parisienne, Bertrand Delanoë ne disait pas autre chose en affirmant que «nous avons donné de l’espérance à des gamins, dans le plaisir vital de construire ensemble des choses qui nous dépassent. Cette aventure a semé le sens de l’exigence, de l’effort, des valeurs. Tout cela nous a rassemblés et a créé en chacun et en chacune d’entre nous un devoir.» Dès mercredi après-midi, Dominique de Villepin adressait un signe fort dans ce sens en promettant que le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, la base nautique de Vaires-sur-Marne et la piscine olympique d'Aubervilliers, prévus dans la candidature de Paris, seraient construits. Maigre consolation pour le monde sportif qui, à l’image de Tony Estanguet, craint que « les sports olympiques ne prennent du plomb dans l’aile.» Désormais, seul le temps permettra de savoir si l’échec de Singapour laissera des traces durables dans le paysage sportif français ou si cette candidature malheureuse aura permis de mobiliser derrière le sport et de rendre le sport français plus fort.