Willy Voet : « Les Français sont dans le vrai ! »
C’est sorti ce vendredi dans les colonnes de L’Equipe. Et, depuis, les réactions se bousculent. L’UCI a donc une liste secrète recensant les 198 coureurs du Tour de France 2010 et leur attribuant ainsi un « indice de suspicion ». N’en déplaise à certains, nous avons retrouvé Willy Voet. Souvenez-vous, Willy Voet, le soigneur de l’équipe Festina par qui le scandale est arrivé sur le Tour en 1998. Que devient le mal-aimé du cyclisme des années 90 ? Fait-il toujours partie du milieu du vélo ? Que pense-t-il de cette liste secrète de l’UCI ? Autant de questions que nous nous sommes posées, et qui mieux que Willy Voet lui-même, pouvait éventuellement y répondre ? Le Belge se confie,
Bonjour Willy Voet. Une question nous brule les lèvres, et beaucoup se la posent. Qu’êtes-vous devenu ? Que faites-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis tout simplement chauffeur de car sur une ligne régulière. Et oui ! Autrement dit, je n’ai plus aucun rapport avec le cyclisme et le domaine médical depuis mon arrestation suite à l’affaire Festina en 1998.
« Certains coureurs sont cons »
Mais le Cyclisme vous intéresse-t-il toujours ? Avez-vous lu par exemple l’information avec, soi-disant, une liste secrète de l’UCI sur « l’indice de suspicion » des 198 coureurs du Tour de France 2010 ?
Oui, j’ai vu ça, j’ai lu ça dans L’Equipe du jour. Que voulez-vous, je ne suis plus dans le milieu donc il m’est difficile de juger la chose. Je ne connais pas bien les données de cet indice de suspicion. Tout ce que je peux vous dire, c’est que l’on voit que la majorité des coureurs jouent le jeu et heureusement. Les Français, eux, ont compris. Les Français, eux, ils sont dans le vrai. Par contre, pour certains coureurs, si cela s’avère vrai, ils sont « cons », ils n’ont visiblement pas encore saisi. Et c’est bien dommage ! Enfin, ne voyons pas trop le mal non plus car on peut constater que l’affaire Festina a tout de même servi car la plupart sont « clean ».
L’affaire Festina justement, parlons-en, elle qui a défié la chronique durant l’été 1998. Pouvez-vous nous rappeler, votre arrestation, l’élément déclencheur du scandale ?
Je me suis fais arrêté à la frontière franco-belge, juste avant le départ du Tour de France à Dublin, le 8 juillet 1998. Je revenais de Belgique au volant d’une voiture mise à disposition par Festina. Les douaniers m’ont arrêté et ont trouvé une voiture remplie de produits dopants… La douane savait ce que nous préparions, connaissait probablement nos pratiques et nous attendaient. Nous ne nous doutions de rien, je n’ai rien pu faire… . Les coureurs, le staff, le personnel médical, tout le monde savait ce qu’il se passait, on ne cachait rien. Le dopage était bien organisé au sein de l’équipe. Personne n’avait d’excuses. C’était d’ailleurs probablement moins dangereux que les pratiques individuelles que l’on retrouve aujourd’hui.
« Je n’ai fait que suivre les consignes »
Aujourd’hui, 13 ans après, avez-vous des regrets ?
Aucun, pour moi, je faisais mon métier, je faisais ce qu’on me disait de faire, c’était « normal ». Dans une autre équipe j’aurai fais la même chose. Je n’ai fait que respecter mon contrat et écouter ce que me disaient les médecins de l’équipe. Je n’étais qu’un pion dans toute cette affaire. Aujourd’hui, je réfléchirais à deux fois avant de faire quoique ce soit même si on me l’ordonnait. Mais tout ça c’est du passé !
Etes-vous dégoûté du cyclisme ?
Dégouté non du tout ! Je ne suis plus dans le milieu depuis plus de 10 ans mais je reste un passionné. Je suis d’ailleurs un fervent supporter de Philippe Gilbert et je suis fier de ses performances acquises lors des Classiques. Je suis Belge ne l’oubliez pas même si je vis en France depuis des années. Dégoûté par le vélo, non, je ne le suis pas. Je dirais plutôt que je suis déçu d’avoir été pris pour cible du dopage alors que je n’ai fait que suivre les consignes. Et surtout, je n’étais pas le seul comme vous pouvez vous en douter !
Votre avis sur les performances de Philippe Gilbert ?
Une chose est sûre, c’est qu’aujourd’hui, il est le plus fort. Il a de la classe et ce n’est pas avec des aides que l’on devient le coureur qu’il est devenu. Avec tout ce qu’on entend aujourd’hui et tout ce qu’on a pu voir ces dernières années on peut avoir des doutes sur tous les résultats, sur toutes les performances. Mais je ne veux pas juger. Je ne peux pas juger. Je ne suis plus dans le milieu depuis longtemps. Les temps changent. Et heureusement !
Et le cas, Lance Armstrong ? Que pensez de l’Américain qui a gagné 7 fois le Tour de France et accusé de toute part de dopage ?
Vous savez, je l’ai connu avant sa maladie et après. Il n’a pas tant changé. Ce qu’il a fait est très fort. Revenir comme il l’a fait du cancer, c’est tout à son honneur. Maintenant, franchement, ce n’est pas à moi de parler de ses performances. Laissons faire les instances juger de ce qu’il y a jugé ou pas !
« Le clenbutérol est un produit connu depuis longtemps »
Après l’affaire Festina vous avez choisi d’écrire votre livre « Massacre à la chaîne », votre vérité sur l’histoire. Pourquoi ?
Je voulais que l’on sache réellement ce qui s’était passé. Je voulais me confesser. Je tenais à expliquer que ce que j’ai fait et ce que je faisais « était normal » même si je n’en suis pas fier, aujourd’hui. Tout le monde avait les mêmes pratiques. Je n’étais pas le seul pourvoyeur du dopage comme beaucoup le pensaient à l’époque. S’il y avait du dopage organisé, ce n’était sûrement pas seulement de ma faute !
Dans cet ouvrage, justement, vous expliquiez avoir été « cobaye » du clenbutérol. Ce produit qui inquiète plus que jamais Alberto Contador. Que pensez-vous de cette histoire ?
C’est un « bon » produit comme on disait dans le milieu. C’est un produit qui donne beaucoup de force, c’est assez impressionnant. Tout le monde avait l’air satisfait de ce produit. Les médecins m’ont même dit qu’il n’y avait aucun risque et que je pouvais en donner à mes enfants, c’est pour dire… ! Alors si je crois à la défense de Contador et de sa contamination. Il dit peut-être vrai. C’est bien évidemment possible vu que la dose retrouvée est très faible. Mais dans le cyclisme, le clenbutérol est un produit connu depuis longtemps donc on a raison de se poser des questions. Je ne connais pas très bien l’affaire Contador mais je ne serais pas très surpris.
« Aujourd'hui, c'est beaucoup plus dangereux »
Comment expliquez qu’il y a encore du dopage dans le cyclisme en 2011 ? Est-il différent de celui des années 1990 ?
Il y a des coureurs qui n’ont pas encore compris. Je crois, par contre, que l’on ne retrouve plus, ou alors très peu de dopage organisé comme c'était le cas à l’époque. Aujourd’hui, ce sont plus des cas individuels et isolés avec des médecins indépendants. C’est d’ailleurs beaucoup plus dangereux, car moins bien structuré et surveillé.
Dans « Massacre à la chaine », je cite « combien faudra-t-il de mort pour que l’on arrête le massacre ? ». Le cas Riccardo Ricco est une belle illustration de vos propos ?
Oui, exactement et malheureusement. Faire des transfusions chez soi, tout seul est très dangereux. Il n’est pas passé loin de la mort. Je pense que ce qu’on faisait chez Festina était beaucoup moins risqué et qu’il n’y avait « presque » aucun risque. A en croire les médecins, je pouvais faire les mêmes soins à ma famille. Attention, je ne dis pas que ce qu’on faisait à l’époque était bien. Au contraire, j’en ai même honte parfois. Mais c’était mieux que ce que l’on retrouve aujourd’hui où les coureurs sont des kamikazes.
Jean-René Bernaudeau, le manager d’Europcar, disait « en France, on a de bons jeunes, de très bons espoirs, et chez les pros ça coince, il y a quelque chose ». Qu’en pensez ?
Je pense aussi qu’il y a quelque chose. Il n’y a aucune raison que si l'on est parmi les meilleurs avant de passer pro, on ne confirme pas après. Selon moi, depuis 1998 et l’affaire Festina, les coureurs français jouent le jeu. Ils ont tiré les leçons du passé. Et c’est tant mieux. On ne peut que s’en féliciter Je ne sais pas s’ils sont tous propres. Mais sûrement et sûrement plus que ceux des autres pays.
Alors, peut-on être pro sans dopage ?
Evidemment qu’on peut-être pro sans dopage. Je suis d’ailleurs sûr qu’il y a beaucoup de bons coureurs qui ne se dopent pas. Pour être pro, il faut de la classe, du talent, et de l’intelligence. Ce n'est pas une aide médicale qui va vous l’apporter. On peut prendre ce qu’on veut, si on n’a pas les caractéristiques au départ, on ne devient pas un bon coureur, un champion. Je ne sais pas si aujourd’hui il y a moins de dopage qu’en 1998. Je ne suis plus dans le milieu. Je n’ai plus vraiment de contact. J’ai perdu beaucoup de copains après cette histoire Festina. C’est qui me rend, d’ailleurs, le plus triste car ça me manque le Tour. Mais aujourd’hui, j’ai construit une autre vie avec l’aide de ma famille qui a toujours été près de moi. Celle du cyclisme, elle, m’a bien abandonné. Mais c’est la vie. L’important, c’est que le cyclisme en 2011 est plus crédible qu’il ne l’était à mon époque. Tant mieux pour ce sport populaire et magnifique. J’ai hâte, en tout cas, d’accueillir le Tour et de voir passer les coureurs, le 20 juillet prochain, dans mon village à Veynes. Ce sera une grande fête. Ca, par contre, ça n’a jamais changé dans le vélo et c’est bien là l’essentiel, non !
I don't ride a bike to add days to my life. I ride a bike to add life to my days !!!